Face à un déficit de 5.720,0 milliards de dinars sur la période 2023-2025, le gouvernement pourra compter sur la réanimation du Fonds de régulation des recettes pétrolières (FRR) qui devrait engranger d’importantes plus-values grâce à la hausse des prix du pétrole. Il devrait également mobiliser les avoirs de la place bancaire et les stocks inutilisés de la banque centrale pour son financement.
Par Hakim Ould Mohamed
Compte tenu de la hausse des dépenses prévues l’an prochain, le déficit budgétaire du pays passera de 4.092,3 milliards de dinars (-15,9 du PIB) dans les prévisions de clôture de l’année en cours à un déficit moyen de 5.720,0 milliards de dinars sur la période 2023-2025 (-20,6% du PIB). Le déficit budgétaire restera donc important sur plusieurs années, à plus de 20% du Produit intérieur brut, ce qui serait une prise de risque énorme en raison de la forte volatilité des cours du pétrole. Certes, la hausse du déficit budgétaire en 2023 est justifiée par la forte augmentation des dépenses publiques, lesquelles s’établissant à plus de 13.786 milliards de dinars, une première, mais le gouvernement semble compter sur la réanimation du Fonds de régulation des recettes pétrolières (FRR) qui devrait engranger d’importantes plus-values grâce à la hausse des prix du pétrole. Explications : le Projet de loi de finances (PLF) 2023 est élaboré sur la base d’un prix référentiel du baril de pétrole de 60 dollars pour la période entre 2023 et 2025. Or, le prix du baril de Brent tourne actuellement autour de 95 dollars. De ce fait, l’Algérie devrait engranger de meilleures recettes par rapport à ce qui est prévu dans le projet de loi de finances 2023 si les prix du pétrole venaient à se stabiliser aux niveaux actuels. Ce différentiel de recettes entre ce qui est prévu dans la loi budgétaire du prochain exercice et les recettes réellement engrangées par l’Algérie en raison de cet écart entre le prix de référence et le niveau réel du marché devrait être versé dans le Fonds de régulations des recettes (FRR), qui devrait, à son tour, servir à alimenter une partie de l’important déficit budgétaire prévu pour l’an prochain. Pendant plusieurs années, notamment celles ayant suivi le contrechoc pétrolier de 2014, alors que les finances publiques traversaient une période de tension, les avoirs du FRR ont été mobilisés pour le financement du déficit budgétaire. Résultat, le FRR a été complètement asséché et mis en veille à partir de 2017, ce qui a obligé le gouvernement de l’époque à adopter la planche à billets comme moyen de financement pour, en partie, monétiser les déficits importants des années suivantes. Le FRR a été réactivité cette année, puisque les plus-values de la fiscalité pétrolière libellée en dinar ayant transité par ce Fonds ont été utilisées pour le financement d’une partie du déficit budgétaire de l’exercice actuel. Le Premier ministre avait expliqué par le passé que pour combler le déficit budgétaire de l’année en cours, le gouvernement recourra au financement bancaire et au marché financier intérieur ainsi qu’au prélèvement du Fonds de régulation des recettes, compte tenu des prévisions indiquant que les prix du pétrole continueront de se redresser par rapport à un prix de référence de 45 dollars dans le budget de l’année en cours, tandis que les prévisions internationales indiquent une stabilité dans les prix du pétrole autour de 70 dollars sur le marché. Tout porte à croire que la même recette servirait, l’an prochain encore, à éponger une partie du déficit budgétaire qui caracolera à plus de 5700 milliards de dinars en 2023. Cependant, compte tenu de l’important niveau de dépenses prévues, le FRR ne pourra, certes, à lui seul, servir de pare-choc face au déficit, ce qui obligera le gouvernement à quêter d’autres pistes de financement hors planche à billets, puisque l’Exécutif s’est engagé à ne plus recourir à la monétisation des déficits, une piste explorée depuis la révision, en 2017, de la loi sur la monnaie et le crédit pour permettre à la Banque centrale de financer les déficits budgétaire au moyen de la planche à billets. Avant cette piste, le FRR assumait le rôle de financer le déficit, quand bien même il ne s’agissait aucunement de la vocation initiale pour laquelle il était destiné. Mais après la forte dégringolade des prix du pétrole dès l’été 2014, le recul de la fiscalité pétrolière a entraîné la consommation de l’ensemble des avoirs stockés dans le FRR et qui caracolait à la mi-2015 à l’équivalent de 32 milliards de dinars. Cela signifie que, certes, le Fonds de régulation des recettes offre un coussin de confort au gouvernement en matière de financement du déficit public, mais une rechute des prix remettrait les compteurs de ce Fonds à zéro, ce qui priverait le pays d’importantes ressources en dinars. En plus du FRR, qui devrait engranger d’importants revenus l’an prochain si les cours du brut venaient à se maintenir aux niveaux actuels, le gouvernement devrait également mobiliser les avoirs de la place bancaire et les stocks inutilisés de la banque centrale pour le financement du déficit prévu l’an prochain. Cette boîte à outils de nature à éponger le déficit de 2023 ne constitue point, faut-il le reconnaître, une politique solide et efficace face aux prochains déficits, car le gouvernement doit quêter des sources de financement pérennes, au-delà des prévisions bâties sur le prix du pétrole et des recettes générées par les hydrocarbures. <