Le Premier magistrat du pays a tranché dans le vif ; désormais toutes les lettres de dénonciation anonymes passeront automatiquement à la poubelle.
Agacé d’avoir vu la justice noyée dans de complexes et interminables affaires de dénonciation au moyen de lettres anonymes, le président de la République demande d’éviter dorénavant que des affaires naissent des fameuses lettres anonymes qui ont fait, faut-il le croire, bien de victimes. La lisibilité de l’action de dénonciation de faits doit être désormais exigée, autrement tombera sous le coup d’une fausse déclaration, voire de déclaration calomnieuse passible de sanctions si son auteur venait à être identifié. Des scandales médiatico-politiques étaient créés sur la base d’une lettre de dénonciation, dont les conséquences étaient par moment dramatiques. Le chef de l’Etat a décidé ainsi de mettre le holà et laisser, par la même pierre, aux organes de lutte contre la corruption de se mettre en ordre de bataille pour prendre le relais de la justice qui, de l’avis même des experts, n’est pas dotée de moyens suffisants à même d’enquêter sur l’origine et les auteurs des lettres de dénonciation ainsi que leur contenu. Le phénomène a pris des proportions alarmantes ces dernières années, mais aucun organisme n’a jamais pu quantifier le fléau. Ce dernier s’était manifesté sous forme de controverses médiatico-politiques, relayées souvent sur la toile ou par des blogueurs connus ou anonymes qui animent les sites internet. Aussitôt, ces annonces prennent la forme d’un scandale, dont la source n’est jamais identifiée et les faits ne sont souvent pas authentifiés. La Justice se trouve ainsi forcément face à un dilemme ; une affaire qui évolue comme une boule de neige, mais dont les documents ne sont pas signés et/ou authentifiés.
C’est pourquoi, le chef de l’Etat invite la Justice à ne plus reconnaitre les lettres anonymes, souvent sources de désagréments pour la justice, voire pour les managers, pris en tenaille entre la loi criminalisant l’acte de gestion et les sabotages en interne, remettant en cause leur efficacité au plan managérial et opérationnel. D’ailleurs, le chef de l’Etat, contre son gré, a rappelé l’extrême malaise qui existe aujourd’hui dans la relation d’entreprise entre patrons, cadres intermédiaires et employés. Si ce climat est nourri par des affaires «montées», comme le suggère le président de la République ; elles en ont fait beaucoup de victimes d’ailleurs parmi les gestionnaires, certaines ne sont pas moins emblématiques, témoignant de réels abus comme le montre très bien la chronique judiciaire actuelle, faite, entre autres, d’affaires «fuitées» et ayant fait l’objet de dénonciations anonymes. Il est vrai que la prolifération des lettres anonymes est significative du degré de confiance vis-à-vis de la justice ; beaucoup rechignent à la solliciter ouvertement de peur de représailles et le cas Chakib Khelil était édifiant en la matière, mais il est temps que la Justice fasse le ménage dans les dossiers qui lui parviennent, autrement dans les faits sans fondement légal. Il est attendu qu’après l’intervention du premier magistrat du pays sur cette question des organismes et institutions s’expriment dessus, dont les magistrats et les avocats à travers leurs syndicats, qui sont concernés en premier lieu par ces affaires, ainsi que les organismes de lutte contre la corruption et les délits économiques. Force est de constater que le geste du président n’a pas été suivi jusqu’ici de réactions. Même l’Ugta qui dit mettre l’entreprise au cœur de ses préoccupations ne s’est pas exprimée jusqu’à l’heure. Du reste, après l’annonce d’une révision de la loi aux fins d’affranchir les managers de la pénalisation de leur travail, voilà que le chef de l’Etat fait sauter un autre verrou qui, il est utile de le reconnaitre, empoisonnait le climat général et les relations dans les entreprises où chacun surveille l’autre.