Pierre Audin, fils de Maurice Audin, assassiné par l’armée française en 1957, a été naturalisé Algérien. La décision a été prise par le président de la République et rendue effective par décret présidentiel paru dans le dernier Journal Officiel.

«Par décret présidentiel du 6 Moharram 1442 correspondant au 25 août 2020, est naturalisé algérien, dans les conditions de l’article 11 de l’Ordonnance n° 70-86 du 15 décembre1970, modifiée et complétée, portant code de la nationalité algérienne, la personne dénommée ci-après, Audin Pierre, né le 28 avril 1957 à Alger (wilaya d’Alger)», lit-on sur le texte signé par Abdelamdjid Tebboune.
Lors d’un Conseil des ministres en juin dernier, M. Tebboune avait instruit le ministre des Moudjahidine et des Ayants-droit d’accorder davantage d’intérêt à tous ceux qui ont aidé l’Algérie dans sa révolution armée et de rétablir des liens directs avec eux. Et c’est visiblement dans cette démarche que s’inscrit la naturalisation de Pierre Audin, fils du mathématicien engagé pleinement dans la cause algérienne, arrêté et exécuté par les parachutistes français en juin 1957. Il s’agit d’«une clarification grâce à laquelle j’aurai donc prochainement mes papiers algériens», dira-t-il à TSA, après avoir rappelé que sa mère «était algérienne par décret du 4 juillet 1963» et que «selon le code algérien de la nationalité, je suis donc moi aussi Algérien».
Interrogé sur la reconnaissance par le président Emmanuel Macron de la responsabilité de l’Etat français dans le crime commis contre son père, Pierre Audin répondra que cet aveu concernait aussi «les milliers d’autres disparus» comme Maurice. D’ailleurs, fera-t-il remarquer, «le Président annonçait une ouverture de toutes les archives concernant tous les disparus, français et algériens, civils et militaires, de la guerre d’indépendance». Il regrettera toutefois que M. Macron ne soit pas écouté et que ses décisions ne soient pas appliquées jusqu’au bout de l’engagement qu’il a pris dans la quête de la vérité totale sur les actes commis par la France en Algérie et le règlement du contentieux mémoriel entre mes deux pays. «Non seulement cette ouverture générale n’a pas eu lieu, mais les archives auxquelles les historiens pouvaient déjà accéder se sont refermées depuis décembre et janvier. Qui a le pouvoir d’empêcher les historiens de travailler comme l’avait promis le président ? Le SGDSN, un service du Premier ministre, qui donne des instructions contraires à la loi. La perspective de savoir ce qui a été fait de la dépouille de Maurice Audin s’éloigne de nouveau», poursuivra-t-il, non sans reconnaître que la question du contentieux mémoriel est, certes, «compliquée» et à «différents niveaux de réponses». Mais pas impossible à solutionner, estime-t-il, pour peu que la coopération «puisse jouer à tous les niveaux», ajoute l’intervenant. «Je ne sais pas si on réglera le contentieux définitivement mais, en tout cas, on avancera dans la bonne direction. Il faudrait procéder dans cette optique à tous les niveaux, éducation, culture, sport, économie, vie associative», explique-il en ce sens.
Pour rappel, en septembre 2018, Emmanuel Macron avait reconnu la responsabilité de l’Etat français dans la disparition de Maurice Audin. Dans une déclaration remise à sa veuve, Josette Audin, décédée par la suite, le Président français avait reconnu «au nom de la République française, que Maurice Audin a été torturé puis exécuté ou torturé à mort par des militaires qui l’avaient arrêté à son domicile» le 11 juin 1957. M. Macron avait également demandé «pardon».
Pour avoir appelé à plusieurs reprises à la libération du journaliste emprisonné Khaled Drareni, Pierre Audin a été interrogé sur cette cause qu’il défend sans répit, d’autant que, comme il le précise, il est membre du Comité international de soutien à Khaled Drareni. «Maurice Audin a été un symbole à partir duquel la lutte contre la torture s’est développée pendant la guerre de libération. D’une certaine façon, Khaled Drareni est aussi un symbole à partir duquel l’Algérie doit pouvoir se doter d’une presse libre, dans laquelle les journalistes sont au service de l’information et non pas aux ordres d’un pouvoir ou d’un autre. Il est urgent de libérer Khaled Drareni, le journalisme n’est pas un crime, un journaliste n’a rien à faire en prison sauf bien sûr s’il décidait d’y faire un reportage. Il faut que les journalistes français puissent venir en Algérie comme dans n’importe quel autre pays, et inversement. Il faut libérer Khaled Drareni et le laisser travailler normalement. Lui et tous les journalistes algériens», soutiendra-il, clairement. n