Avant d’affronter le Bétis Séville hier, Lionel Messi restait sur une série assez extraordinaire eu égard à ses standards : 11 matches sans marquer de but dans le jeu. Le capitaine argentin du Barça a connu une réussite totale sur penalty là où il a systématiquement échoué ailleurs depuis le début de saison. De quoi s’inquiéter ? Pas si vite.
Lionel Messi n’est pas le meilleur buteur du Barça cette saison. Oui, vous avez bien lu. Temporaire, la situation l’est assurément. Mais révélatrice aussi. Cette saison, c’est le jeune Ansu Fati qui domine les débats chez les Blaugrana avec 5 pions. Messi, lui, en est à quatre. Rien d’inquiétant en neuf matches disputés, encore que le ratio est assez éloigné des standards « messiesques ». Mais ces quatre-là n’ont été marqués que d’une unique manière : sur penalty.
Pour voir Messi marquer dans le jeu, il faut remonter à… août dernier et une victoire face au Napoli en 8e de finale de Ligue des champions (3-1). Depuis, le maestro a beaucoup tenté. Sans jamais marquer. La Nacion a sorti la calculette : 39 frappes sur les onze derniers matches et aucune tentative fructueuse. Alors, inquiétant ? Du côté du Barça, la question se pose encore à voix basse mais existe bien tant Ronald Koeman tâtonne le concernant : où faut-il utiliser Messi ? En début de saison, après le départ de son acolyte Luis Suarez dont le profil d’avant-centre pur libérait une quantité d’espace folle pour la Pulga, l’Argentin a été associé à Philippe Coutinho dans le 4-2-3-1 du Néerlandais. L’objectif était évident : placer Messi au plus proche de la surface adverse pour profiter de ses qualités de finition.
33 ans et la question
de la gestion
Problème, c’est aussi l’exposer à un mur défensif bien plus simple à bâtir pour l’adversaire tant isoler un attaquant de pointe s’avère plus facile que de défendre en zone sur un joueur qui se balade entre les lignes. Face aux échecs répétés de la Pulga et pour relancer Antoine Griezmann, Koeman a donc changé son fusil d’épaule. Face à la Juve, c’est en cerveau du Barça que Messi a été replacé, derrière un Griezmann qui occupe la défense axiale adverse. Moins décisif sur la feuille de match, certes mais tellement plus essentiel dans la construction offensive d’un Barça enfin à l’aise dans le jeu de transition où la qualité de Pjanic ou Messi permet de mettre sur orbite les fusées de côté du Barça. Le dilemme de Koeman est donc réel s’il tient à son 4-2-3-1 : privilégier l’efficacité de Messi aux abords de la surface ou surfer sur son génie créatif pour redéfinir le plan de jeu barcelonais et gagner radicalement en verticalité ? Interrogé en conférence de presse vendredi, le Néerlandais a usé d’une belle réponse politique et n’a pas voulu trancher. « Leo a joué à différentes positions en attaque, nous voulons l’avoir là où il peut blesser l’adversaire », s’est-il contenté d’expliquer. A cette question, Messi a donné une tendance de lui-même, sans doute poussé aussi par une évolution de son jeu dû à son âge.
Moins « électrique »
Si les images de son replacement défensif inexistant continuent de ravir les Internets, elles correspondent pourtant à un changement nécessaire. A 33 ans, impossible d’attendre de lui les même choses qu’à l’époque Guardiola. Défensivement, où son apport a parfois été sous-estimé, mais surtout offensivement.
C’est ce qu’a voulu rappeler Angel Cappa, entraîneur argentin à la Cadena Ser cette semaine : « On ne peut pas espérer un Messi de 25 ans quand il en a 33, a-t-il avancé. Il est en train de se transformer en un autre type de joueur, plus stratégique, qui distribue le jeu, tient la baraque et crée du football. Mais on ne peut plus attendre le Messi électrique qui effaçait cinq joueurs par le passé. C’est même injuste de lui demander d’être le même joueur qu’il y a huit ans ».
Parce que c’est Messi et qu’après la pandémie, il a continué à porter un bien pâle Barça sur ses épaules, on a eu tendance à oublier que lui-même avait annoncé vouloir changer. En janvier dernier, il était revenu sur son évolution récente, notamment concernant son total de passes décisives, en nette amélioration.
« Plus concentré
sur le jeu »
« Je pense de moins en moins à marquer, disait-il ainsi, lors d’une interview accordée à DAZN. Évidemment, j’aime le faire et si j’ai une chance de marquer, je la saisis. Mais chaque fois que j’entre sur le terrain, je suis moins concentré sur les buts et plus sur le jeu.» Avant d’ajouter, avec un temps d’avance, comme sur le terrain : « Je sais que les gens parleront beaucoup du moment où je marquerai moins. Cela fait partie du jeu, de l’adaptation à son temps, pour être le meilleur joueur pour soi-même et pour l’équipe ». Voilà donc tout le paradoxe dans lequel risque de tomber le Barça : moins Messi sera visible sur la feuille de match, plus il risque de le devenir dans le cœur du réacteur barcelonais. Un mal pour un bien en somme. Finalement, une règle ne changera pas, comme l’a si bien rappelé Dani Alves à vendredi : « Si je dois donner un conseil à Dest, c’est très simple : passe le ballon à Messi ! » n