La Fondation culturelle Ahmed-et-Rabah-Asselah accueille, depuis samedi dernier, au sein de son siège à Alger-centre, l’exposition intitulée «Un rêve… trois regards», réunissant près d’une quarantaine de toiles signées par les artistes Chafa Ouzzani, Djamal Talbi et Mourad Abdellaoui.

L’exposition, qui doit se prolonger jusqu’au 18 février prochain, convie les visiteurs à découvrir les différents univers plastiques et oniriques des artistes  mettant en scène leur démarche dans le style abstrait, explorant ses multiples possibilités et son évolution. En effet, proposant des sélections de toiles inédites, les  artistes, issus de formations des écoles de Beaux-Arts ou d’écoles d’architecture, avec plus d’une décennie d’expérience, offrent aux regards des inspirations,  des choix de pigments, de couleurs ou de formes et impressions… radicalement différentes les uns des autres. Lors du vernissage de cette exposition, Chafa Ouzzani, artiste peintre et architecte de Béjaïa, présente au public des toiles de grand format pour la plupart, réalisées à l’acrylique où l’artiste laisse apparaître son «monde», son travail et sa passion pour l’architecture au travers de schématisations de villes et de villages. Elle nous précise avoir été d’une certaine manière «entraînée» vers les arts par des artistes tels  Mohammed Khadda et M’hamed Issiakhem ou Moncef Guita pour les contemporains. Chafa Ouzzani nous confie que «c’est une inspiration souvent spontanée, mais la peinture est aussi un travail de mémoire. Ce qui transparaît dans les œuvres sont peut-être des souvenirs, des émotions, une nostalgie des villages de Kabylie».  Une forme d’art abstraite qui nous est présentée par ailleurs comme un aboutissement. «J’ai longtemps fait du figuratif, ce n’est que depuis la dernière décennie que je fais de l’abstrait. C’est pour moi une étape qui vient d’elle-même, un besoin». Issu, quant à lui, de l’école des Beaux-Arts de Mostaganem, et travaillant aujourd’hui à Tizi Ouzou, Djamal Talbi propose des œuvres présentées sous la forme d’une collection de quatorze peintures abstraites en aquarelle. Il nous souligne que « je touche à toutes les techniques, l’aquarelle, l’acrylique, l’huile. Je peins sur des toiles de différents formats… C’est une question d’inspiration, je peins le moment». Il nous confie également, lors du vernissage de cette exposition, qu’il a fait le choix de se consacrer entièrement à l’art. En précisant qu’«aujourd’hui, j’ai fait de la peinture mon métier. Mes premières expositions remontent à 2003, mais les choses ont avancé petit à petit et ce n’est qu’une décennie plus tard que j’ai commencé à travailler de façon professionnelle, avec des expositions individuelles en Algérie et à l’étranger». Quant au travail proposé par Mourad Abdellaoui, des toiles beaucoup plus sombres, faites de tons de gris, une technique « difficile», nous explique l’artiste originaire de Aïn Beïda, en ajoutant que ses toiles abstraites étaient également le résultat d’un long processus. « Je suis arrivé à la peinture abstraite après un long cheminement. Au début, j’ai suivi une formation académique et ce n’est que plus tard que le style a évolué. Je présente aujourd’hui une série où les tons de gris sont très présents. C’est un travail difficile à réaliser, mais j’en suis très satisfait».

Continuer, malgré l’inexistence d’un «marché de l’art»
La rencontre avec les trois artistes, qui consacrent tous trois une large part de leur temps et de leur énergie à la peinture et aux arts et qui totalisent ensemble plusieurs décennies d’expérience, aura également été l’occasion d’aborder la question de  leurs perceptions de la situation de l’artiste et de sa capacité à «vivre» de son travail. La réponse est sans appel, le marché de l’art est, selon eux, «inexistant» ou tout au plus «occasionnel».  «Il faut préciser que le marché de l’art est inexistant en tant que tel, et il n’a, en fait, jamais vraiment existé», explique Mourad Abdellaoui, en ajoutant que c’est aujourd’hui «à l’Etat de s’impliquer, de mettre en place les mesures qui structureront le commerce des œuvres d’art». Les faibles ventes d’œuvres qui existent à l’heure actuelle ne relèvent que de «l’occasionnel», précisent en substance les trois artistes. « L’achat des œuvres se fait timidement (…) Pour diverses raisons, le public ne pense pas encore à acquérir une œuvre d’art. C’est pour cela que les institutions, les musées, les entreprises devraient être aux côtés des artistes», note ainsi Djamal Talbi. Chafa Ouzzani précise pour sa part qu’« il y a des ventes de toiles, mais je ne dirais pas que le marché de l’art se porte bien. Tout se fait de manière occasionnelle, conjoncturelle». Une situation encore plus difficile pour les jeunes artistes qui comptent de plus en plus sur les réseaux sociaux comme solution. «Le début d’une carrière est un moment très difficile, quand le travail, le «nom», d’un artiste n’est pas encore connu, il est rare que l’on propose une exposition». Mourad Abdellaoui ajoute à ce propos : «Je dois dire que l’arrivée des réseaux sociaux a tout changé pour nous. Ils nous ont permis de s’adresser au monde. C’est d’autant plus important que la visibilité de l’art en Algérie reste centralisée. Quand l’artiste ne vit pas et ne travaille pas à Alger, les choses sont encore plus difficiles».n