Les défis de l’intégration et de la compétitivité se posent avec acuité pour l’industrie sidérurgique nationale, appelée à rattraper les retards accumulés dans le renforcement de sa production, la diversification de ses biens fabriqués localement, notamment l’extension de la production aux aciers plats et ainsi poursuivre ses progrès dans la conquête des marchés extérieurs.Par Khaled Remouche
L’Algérie vient de réaliser la meilleure recette d’exportations hors hydrocarbures depuis des décennies. Elle brise pour la première fois le cycle d’exportation bon an mal an de 2 milliards de dollars à 3 milliards de dollars. Chiffre généralement réalisé pendant les deux dernières décennies. Dans ce résultat qui permet à notre pays de se rapprocher de l’équilibre de la balance des paiements et donc de freiner la fonte des réserves de change du pays, la sidérurgie nationale y a contribué de façon importante.
Tosyali Algérie, en effet, à lui seul a exporté pour 775,3 millions de dollars, soit environ 15% des exportations globales hors hydrocarbures, a annoncé Tosyali cité par l’APS. Avec les exportations du complexe d’El Hadjar, qui a vendu pour environ 71 millions de dollars en 2021, cette part passe à près de 17%. Quant au complexe de Bellara, il a exporté pour 17 000 tonnes de billettes en avril 2021 et escompte vendre à l’étranger 300 000 tonnes de produits sidérurgiques au cours de l’exercice 2021. Les complexes sidérurgiques de Bethioua, Bellara et El Hadjar ont produit, l’an dernier, 6 millions de tonnes de produits sidérurgiques, 3 millions de tonnes Tosyali, 1,5 million de tonnes Bellara et 500 000 tonnes El Hadjar, contribuant ainsi de manière majeure à la réduction de la facture importations. Il faut noter qu’avec les progrès dans les exportations de produits sidérurgiques, les exportations hors hydrocarbures deviennent de moins en moins liées aux produits dérivés des hydrocarbures, huiles, engrais. Toutefois la filière engrais reste également prédominante en 2021 dans les exportations hors hydrocarbures. Le complexe d’urée ammoniac d’Arzew de Sonatrach-Orascom a tablé sur l’exportation, en 2021, de 600 millions de dollars, selon un responsable de cette compagnie. La domination des produits tirés des hydrocarbures diminue ainsi avec surtout la croissance des exportations sidérurgiques, de divers produits industriels mais, également, si l’Algérie parvient à exploiter son potentiel en matière d’exportation de produits agricoles et agro-alimentaires.
Mais le plus important sont les défis qui se posent à l’industrie sidérurgique nationale et au gouvernement dans ses efforts de relancer l’industrie nationale, d’accroître son intégration. Le premier défi est de produire en Algérie suffisamment d’aciers plats pour couvrir les besoins nationaux et réaliser de gros progrès dans l’intégration de l’industrie automobile et de la filière électronique-électroménager. Actuellement, le seul complexe à produire les aciers plats est celui d’El Hadjar. Mais sa production est en net déclin en raison des difficultés de gestion que connaît ce complexe depuis plusieurs années. La facture d’importation d’aciers plats a donc augmenté. Plus précisément du fait du grand retard dans la mise en oeuvre du plan d’investissement qui devait permettre au complexe d’El Hadjar de produire 1,2 million de tonnes d’acier en 2018, puis avec la seconde phase d’investissement, 2 millions de tonnes/an en 2020. On est loin du compte. Autre réalité, le complexe de Bellara avait prévu au départ de produire des aciers plats en 2017-2018. Il ne produit pas encore ces aciers plats. Il escompte dans une seconde phase, qui portera sa capacité à 4 millions de tonnes/an, de produire un tel produit notamment pour les besoins du rail.
Au tableau rose, le fait le plus important dans ce dossier est le lancement en ce mois de janvier de l’usine d’aciers plats de Tosyali Algérie. Le complexe de Bethioua à Oran, une fois les travaux de l’usine achevés – dans trente mois – permettra de commercialiser les tôles et les produits laminés en Algérie pour notamment les filières automobile et électroménager, mais également d’exporter un produit à forte valeur ajoutée.
Tout ce retard montre un manque de suivi des investissements stratégiques, car si les problèmes avaient été réglés à temps, l’Algérie aurait économisé d’importants montants en devises et satisfait une bonne partie des besoins en aciers plats.
L’autre défi est celui de la compétitivité de la sidérurgie nationale qui pourrait devenir un acteur majeur du marché sidérurgique dans le bassin méditerranéen à moyen-long terme. L’exploitation du gisement de fer de Gara Djebilet, reportée à 2026-2028, est l’un des atouts dans ce challenge si les études montrent la rentabilité de ce projet. L’industrie sidérurgique nationale disposera alors d’une matière première à moindre coût. Mais cela demandera de gros efforts et de lourds investissements notamment la réalisation d’une voie ferrée. Mettre en service ce mégaprojet dans les délais demandera là aussi un suivi des plus hautes autorités de l’Etat, la mobilisation de financements tiers et un choix judicieux des entreprises chargées du contrôle des travaux et de la réalisation de la voie ferrée ainsi que des installations de production.