Entretien réalisé par Sihem Bounabi
Reporters : Avec la baisse des contaminations à la Covid-19, les Algériens, déjà réticents à se faire vacciner au plus haut de la propagation du coronavirus, se posent aujourd’hui la question : faut-il continuer à se faire vacciner ?
Youcef Boudjelal : Les virologues préconisent la vaccination lorsqu’il y a une stabilité partielle de situation épidémiologique, car c’est le meilleur moment pour se faire vacciner.
Cela concerne toutes les personnes, c’est-à-dire celles qui vont se faire vacciner pour la première fois ou pour la 2e dose, ou booster la vaccination avec une 3e dose.
De plus, en ce moment, c’est la période idéale pour renforcer la vaccination, parce qu’il y a moins de risques de contamination entre les personnes qui viennent se faire vacciner et moins d’encombrement au niveau des centres de vaccination.
Il faut aussi savoir que l’immunité acquise par les différents variants protège de la contamination au même type de variant, mais pas à une contamination à un nouveau variant. Par exemple, une contamination au variant Omicron protège seulement contre une nouvelle contamination à l’Omicron, mais pas à un autre variant comme le Delta ou celui qui risque d’apparaître. C’est ce qui explique que des personnes ont été contaminées à plusieurs reprises même si elles ont été déjà malades covid. Il faut vraiment prendre conscience que le seul moyen de se protéger contre la contamination aux différents variants de la Covid c’est la vaccination, d’où l’importance de se faire vacciner surtout en cette période d’accalmie.
Beaucoup de personnes s’accordent à dire que c’est la fin de la pandémie, qu’en est-il vraiment ?
Il faut que les Algériens prennent conscience que l’on est toujours en période de crise sanitaire et que la pandémie de la Covid est toujours présente. Pour preuve, toutes les 24 heures, il y a de nouveaux cas de contamination, des décès et des personnes admises dans les différents services de réanimation à cause de la contamination au virus.
Même au niveau mondial, il existe toujours des foyers de contamination dans certains pays. Certes, actuellement, en Algérie, nous enregistrons une période de stabilité partielle de la situation épidémiologique, mais on est dans l’expectative de ce qui va arriver. Si on est épargnés par l’apparition d’un nouveau variant, on peut alors se concentrer sur les patients qui développent des formes graves de la maladie, comme les personnes âgées et les malades chroniques ainsi que les malades covid qui sont dans les unités de réanimation.
Mais, dans le cas de l’apparition d’un nouveau variant, on risque de faire face à une nouvelle vague de contaminations avec le retour strict des mesures préventives, comme le port de bavette, la distanciation physique, le pass sanitaire et vaccinal. Il est ainsi important de préciser que même si la pandémie est maîtrisée, le virus de la covid sera toujours présent de manière endémique et là, il faudra apprendre à cohabiter dès maintenant avec lui comme avec le virus de la grippe. Le comportement des structures sanitaires devra aussi s’adapter en programmant des vaccins de rappel périodiques, comme cela se fait avec le vaccin contre la grippe. C’est de cette façon que l’on peut arriver à contrôler la circulation de la covid et contrôler les dégâts qu’elle peut engendrer au cas où il y aurait un pic de contaminations.
Concernant le pass vaccinal, quel est votre avis sur les appels de certains et, notamment les organisateurs d’événement accueillant le public, de lever cette contrainte qui limite l’affluence des personnes ?
Comme je disais précédemment, la crise sanitaire est toujours présente et de ce fait on doit maintenir les mesures préventives, dont le pass vaccinal, au moins jusqu’à la fin de cette année. C’est le laps de temps nécessaire pour suivre l’évolution de la situation épidémiologique et surtout les risques d’apparition de nouveaux variants. Si d’ici la fin de l’année, il n’y a pas de nouveau variant, on pourrait sortir des mesures préventives actuelles.
Et techniquement parlant, cela concerne surtout les pays qui sont arrivés à 70 % de taux de vaccination. En Algérie, on est très loin de ce taux même si on a gagné un peu d’immunité grâce à la propagation du variant omicron qui se distingue par un fort taux de propagation avec des symptômes modérés. Mais à ce jour, même si on peut alléger les mesures préventives, il est déconseillé de supprimer le pass vaccinal car on est toujours face au risque d’une nouvelle vague de contaminations.
Est-ce que l’Algérie ne risque pas de se retrouver avec des doses de vaccin périmées à cause du manque d’enthousiasme pour la vaccination contre la covid ?
Certes, le risque de péremption des vaccins existe, sachant qu’ils ont une durée de vie qui varie entre 6 et 9 mois. Mais ce n’est pas la véritable problématique. Si on appelle les Algériens à se faire vacciner, ce n’est pas parce qu’il y a un risque de péremption des vaccins, mais pour être protégés, protéger leurs proches et leurs familles, surtout les personnes âgées et les malades chroniques contre le risque de complications de la contamination au virus de la Covid et ses variants.
Comment expliquez-vous que dans le contexte actuel, il y a une augmentation des vols internationaux alors que la fermeture des frontières terrestres est toujours maintenue ?
Sincèrement, du point de vue épidémiologique et microbiologiste, le maintien de la fermeture des frontières terrestres n’est pas justifié. Mais du point de vue administratif et dans le contexte actuel, où il y a toujours un risque de l’apparition de nouveaux foyers de contamination, cela se justifie. Car c’est très difficile d’assurer les contrôles sanitaires au niveau des postes des frontières terrestres qui connaissent un flux important de passages de personnes et c’est donc très difficile de contrôler la température des personnes une par une où d’effectuer des tests de diagnostic pour chaque personne. Par contre, au niveau des aéroports, le contrôle individuel des températures est plus facile ainsi que le respect de la distanciation physique.
Concernant l’augmentation du nombre des vols, je trouve que c’est une bonne chose car cela va apporter une bouffée d’oxygène aux personnes en espérant que cela va contribuer à diminuer le prix des billets d’avion qui ont fortement augmenté à cause de la crise sanitaire. De plus, dans la plupart des destinations desservies par l’Algérie, le taux de vaccination est important, ce qui est un facteur rassurant par rapport aux risques des cas importés. Mais toutefois, j’insiste encore sur le maintien de la vigilance et surtout de l’importance de la vaccination contre la Covid car c’est le meilleur moyen pour se protéger.