Propos recueillis par NAZIM B.
Reporters : L’année scolaire vient de s’achever. Quel regard portez-vous sur son déroulement de façon générale en attendant, bien entendu, les résultats et les taux de réussite du BEM et du baccalauréat ?
Bachir Hakem : L’année scolaire 2021-2022 n’a pas été perturbée comme les précédentes malgré la pandémie, ce qui normalement devrait afficher la finalité de tous les programmes dans les meilleures conditions. Ce qui ne l’a pas été à cause de la politique de deux poids deux mesures, une inégalité de chance entre les élèves suivant les établissements, un manque d’encadreurs, une montée de la violence et de la délinquance, l’insécurité vécue par les enseignants et administrateurs, une précipitation pour terminer les programmes et la course aux cours particuliers entre enseignants, allant jusqu’à créer une vie malsaine à l’intérieur des établissement, avec la complicité des parents d’élèves, et de l’administration elle-même..
La pandémie nous a permis de diminuer le nombre d’élèves par classe. Malheureusement cela s’est fait dans l’anarchie. Diviser une classe en deux sans recrutement ni formation adéquate ne signifie pas perturber les emplois du temps et les confectionner de façon anti-pédagogique. Aller vers des classes au maximum de 25 élèves, avec des emplois du temps pédagogiques et des horaires aménagés et des programmes pour les élèves, n’est pas une utopie car aujourd’hui nous pouvons doubler aussi bien le nombre d’encadreurs. Il suffit d’intégrer une partie des contractuels qui ont prouvé leurs compétences et d’ouvrir le concours de recrutement pour réussir le pari de classes à 25 élèves, mais cela doit être aussi accompagné d’une infrastructure capable d’accueillir le double des classes pédagogiques actuelles. Nous devons investir en l’homme et tous les moyens sont les bienvenus sans se poser la question du coût. Le pays vit une euphorie financière, nous devons en profiter pour notre avenir et celui de nos enfants.
Selon le premier responsable du secteur, les examens du baccalauréat de cette année se sont déroulés dans d’excellentes conditions. Etes-vous de cet avis ?
Un responsable fait de la politique et ne sera que satisfait dans ses déclarations et contredira la réalité. Le premier responsable avait promis des examens sans coupure d’internet, ce qui ne s’est pas produit. Nous avons vécu cinq jours sans internet et sans dédommagement. La tricherie ne s’est pas arrêtée pourtant, car nous avons constaté plusieurs cas. Le mal est ailleurs. De plus, les méthodes de triche se sont développées avec les nouveaux moyens TICS et sont devenus indétectables. Les enseignants et les élèves se sont aussi plaints des sujets qui n’ont pas portés sur toute l’année et des sujets ont porté sur le même thème dans plusieurs exercices sans variation.
De nouvelles mesures sont annoncées pour la rentrée prochaine, l’adaptation des programmes, des méthodologies, l’allégement du poids des cartables, le renforcement de la pratique de l’éducation physique au primaire et l’introduction de la filière des arts dans l’enseignement secondaire. Quel sens donneriez-vous à ces nouveautés ?
Depuis que j’ai commencé l’enseignement, c’est la même chanson, car chaque ministre fait son changement sans faire appel aux vrais experts et aux encadreurs du terrain. On applique des théories importées telles quelles, alors que cela demande une application sur un établissement ou une wilaya ou une région avant la généralisation. Nous avons publié des réflexions depuis le ministre Benbouzid, mais personne n’en a tenu compte car on importe tout, y compris l’éducation.
L’année qui s’achève a été marquée par moins de contraintes liées à la pandémie, mais, curieusement, il y avait peu de place aux questions de pédagogie et d’assimilation des apprenants. Pourquoi ?
Nous n’investissons pas assez dans l’éducation et nous voulons détruire l’école publique pour encourager la privatisation de l’école et cela se précise d’année en année. Aujourd’hui, il est plus facile d’avoir une autorisation pour l’ouverture d’une école privée ou un registre de commerce pour une école de soutien scolaire que pour un simple commerce. Et la preuve, il n’y a qu’à voir leur nombre.
Quels seront les défis de la prochaine année scolaire ?
Le défi est d’associer tous les acteurs de l’éducation et les experts pour trouver les solutions et de les essayer sur des échantillons avant de les généraliser ; l’élève ne doit plus subir les erreurs précédentes des responsables à l’heure de la technologie et du développement. Il est temps de faire une purge au niveau de l’éducation et de nommer de vraies compétences et de mettre à la retraite ceux qui n’ont plus leur place et d’arrêter la langue de bois. Le premier défi est de programmer une réforme de l’éducation, du baccalauréat sur plusieurs années sans généralisation et l’appliquer dans le futur si l’expérimentation réussit. <