Aller vers la production des énergies nouvelles et renouvelables est une ambition sur laquelle mise l’Algérie depuis des années. Ce dossier a été abordé lors du Conseil des ministres tenu avant-hier avec l’instruction de diversifier les sources d’énergie dans le pays sans continuer à compter seulement sur les énergies fossiles.

PAR INES DALI
Il s’agit de «s’orienter conformément à un programme étudié vers la production de l’hydrogène vert et de l’énergie solaire», est-il indiqué dans le communiqué de la présidence de la République, qui recommande d’«exclure le foncier agricole, situé dans les zones stratégiques, de l’exploitation dans des projets d’énergies renouvelables».
«L’Algérie œuvre, grâce à ses compétences et ses capacités naturelles et financières, à diversifier ses sources d’énergie, notamment l’énergie propre, ce qui ouvre la voie aux start-up pour investir ce créneau, à travers la sous-traitance dans diverses spécialités», a affirmé le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, selon le même communiqué.
Afin de diversifier ses sources d’énergie, plusieurs projets sont sur les tablettes du gouvernement, dont celui qui consiste en la production de 1000 mégawatts en énergie solaire photovoltaïque dénommé Solar 1000 MW et qui en est à ses premiers balbutiements, du fait qu’il n’a pas encore dépassé l’étape du dépôt des offres, le délai ayant été reporté à deux reprises. Il y a également le projet de production de l’hydrogène vert avec un partenariat allemand qui a fait l’objet de discussions, la semaine dernière, entre le ministre de l’Energie et des Mines algérien, Mohamed Arkab, et la ministre adjointe des Affaires étrangères allemande, Katja Keul.
M. Arkab a précisé qu’il s’agit pour l’Allemagne et l’Algérie d’étudier «les moyens de mettre en place un partenariat stratégique entre les deux pays dans le cadre de l’échange de technologies, notamment en matière de développement des énergies renouvelables et de l’hydrogène en Algérie». Pour sa part, la ministre-adjointe allemande a annoncé «la réalisation, à titre d’essai, d’un projet d’hydrogène en Algérie avec des compagnies allemandes», ajoutant que «ce projet d’essai sera suivi par un projet industriel pour la production de l’énergie à partir d’hydrogène».
Depuis plus d’une vingtaine d’années, l’Algérie tente d’intégrer dans ses sources énergétiques les énergies nouvelles et renouvelables (ENR), mais force est de constater que cela n’avance pas malgré toutes les potentialités dont jouit le pays dans le solaire notamment. «Avec tout le potentiel dont dispose l’Algérie en la matière, la part des énergies renouvelables n’est qu’aux environ de 1%», ont regretté les spécialistes à maintes reprises.
Contacté à propos du retard pris par l’Algérie dans le développement des ENR, le consultant en transition énergétique et expert dans les énergies renouvelables Tewfik Hasni a préféré d’abord donner son avis sur l’hydrogène vert qui fait beaucoup parler de lui ces derniers temps. Il a laissé entendre que c’est un dossier qu’il convient de gérer avec une grande prudence du fait qu’il pourrait se révéler défavorable aux intérêts de l’Algérie. «Je suis surpris qu’on parle d’hydrogène vert pour plusieurs raisons», a-t-il déclaré, ajoutant qu’«on ne peut pas dire que nous allons développer l’hydrogène parce que des partenaires allemands nous le proposent». Il a noté, à ce titre, que l’Algérie a mis en place un Conseil national de l’énergie pour préparer une stratégie énergétique en mettant à contribution tous les experts algériens afin de pouvoir savoir où le pays doit réellement s’orienter.
«Les européens ont besoin de développer l’hydrogène aujourd’hui car ils ne peuvent plus accéder au gaz. Allons-nous alors les aider à le faire à nos détriments ? Il faut savoir que l’hydrogène va leur coûter moins cher car ils nous feront prendre en charge tous les coûts et, par là même, nous allons, en fait, concurrencer notre marché gazier puisque l’hydrogène va remplacer le gaz», a affirmé M. Hasni qui se demande quel est l’intérêt pour l’Algérie d’aller directement vers l’hydrogène. Il étaye son propos que ce n’est pas un marché sûr. «A-t-on fait une étude pour la rentabilité de ce projet ? Y a-t-il une étude qui prouve l’existence d’un marché suffisant ?», s’est-il encore demandé.
C’est pour cela qu’il convient de commencer par le modèle de consommation énergétique, a-t-il suggéré, rappelant que «nous avons eu l’occasion de faire et de présenter une étude à la fondation Friedrich Ebert, qui est allemande et qui avait bien accepté tout ce qu’on leur a dit. Aujourd’hui, ils reviennent avec l’hydrogène parce qu’ils ne donnent pas suite à ce que nous recommandions et qui était nos véritables intérêts», a souligné Tewfik Hasni.
Pour cet expert, ce qui doit être fait en priorité en Algérie, c’est le développement des énergies renouvelables, le solaire thermique en premier lieu et non le photovoltaïque. «Nous devons développer le solaire thermique à hauteur de 80% et le photovoltaïque à 20%». Il s’agit de «revenir aux logiques, à l’orthodoxie, au modèle de consommation énergétique», recommande-t-il, avant de relever que c’est au Conseil national de l’énergie de prendre en charge ce dossier et que ce ne sont pas attributs d’un exécutif.
Le spécialiste en transition énergétique a tenu à souligner que «la priorité de l’heure pour l’Algérie en matière de diversification de sources d’énergie n’est pas à l’hydrogène». «Notre sécurité énergétique ne dépend pas de l’hydrogène mais du solaire thermique d’abord pour remplacer le gaz qui va s’arrêter, et l’hydrogène ne peut pas remplacer le gaz à court terme. L’hydrogène demandera une nouvelle infrastructure pour son utilisation», car il «ne peut pas être transporté dans les pipelines ni à l’état gazeux car les fuites seront importantes», a-t-il expliqué.