La compagnie pétrolière nationale est appelée à dégager des quantités supplémentaires de gaz à destination de l’Europe, alors que la demande domestique risque de la freiner dans ses efforts d’augmenter ses exportations en l’absence de mise en oeuvre d’une politique plus ambitieuse d’économie d’énergie.
Par Khaled Remouche
La consommation énergétique évolue à un rythme effréné. Une croissance annuelle de 8% pour le gaz naturel et de 6% pour les produits pétroliers. L’étude récente de la CAPC sur la sécurité énergétique estime que la consommation actuelle de gaz à hauteur de 46 milliards de mètres cubes sera portée entre 75 et 85 milliards de mètres cubes entre 2030 et 2035. Elle aura ainsi doublé. Ces chiffres sont optimistes. Certains acteurs du secteur la situe à 110 milliards de mètres cubes par an à cet horizon dans un scénario de croissance forte de l’économie.
Une situation qui met sous pression Sonatrach qui doit non seulement produire davantage, dégager des quantités supplémentaires à l’exportation à la demande de ses principaux clients européens en raison des incidences de la crise russo-ukrainienne, mais aussi, comme priorité des priorités, satisfaire la demande locale en énergie.
A noter que la compagnie pétrolière nationale produit entre 120 et 130 milliards de mètres cubes de gaz, dont le tiers va à la consommation domestique. Dans quelques années, près de la moitié de la production de gaz ira à la consommation interne au détriment de l’expansion des exportations si rien ne bouge en termes de rationalisation de la consommation énergétique. Face à cette situation, Sonatrach ne reste pas les bras croisés. Elle compte investir 8 milliards de dollars en 2022 essentiellement dans l’exploration et le développement de gisements, plus de 40 milliards de dollars à l’horizon 2026. En 2023, si tout se passe bien, elle mettra en service les gisements du sud-ouest, le champ d’Isarène, et achèvera les travaux concernant les champs de Tinhert. Ce qui dégagerait une production supplémentaire de 9 à 10 milliards de mètres cubes par an qui sera en principe destinée à l’exportation. Mais attention, la tendance à la hausse de la demande domestique risque d’hypothéquer tous ces efforts d’investissement, de limiter ces exportations et donc la rente pétrolière. Cette demande domestique est en train d’épuiser les réserves d’hydrocarbures du pays. Sonatrach tente de parer à cette situation en essayant de découvrir de nouvelles réserves ou de développer des gisements découverts et non exploités, en travaillant sur l’identification d’extensions de réservoirs de gisements déjà découverts. La tâche ne sera pas facile, car les réserves à découvrir sont plus difficiles à développer et nécessitent des nouvelles technologies que Sonatrach devrait acquérir à travers le partenariat.
Il serait naïf de croire que sans l’expertise étrangère, sans la mobilisation de toutes les compétences de Sonatrach et les compétences algériennes en Algérie et à l’étranger, on puisse renouveler rapidement nos réserves conventionnelles, du moins améliorer le ratio entre la production et les découvertes ainsi que la réévaluation des réservoirs des gisements découverts et en exploitation. Il s’agit de confirmer le potentiel tight gas et oil gas important de l’Algérie, identifié notamment dans la région de Hamra Rhourde Nouss, et des réserves identifiées par des compagnies étrangères dans le bassin de Berkine mais qu’il faut aller chercher avec des forages ultra profonds. Tout cela exige des travaux forts coûteux et complexes. Mais avec des conditions attractives et un environnement favorable, Sonatrach pourrait convaincre des compagnies d’investir pour mettre en évidence ces réserves.
Pour revenir aux incidences de la forte consommation de gaz, Sonatrach, pour un problème de volume, n’a pas envisagé la construction de nouveaux complexes de GNL et n’a pas érigé en priorité la réhabilitation des complexes plus anciens GL1Z et GL2 Z, d’où la baisse des exportations de GNL de Sonatrach. Ces derniers connaissent des problèmes de maintenance.
Il suffit d’investissements beaucoup moins importants que ceux de l’amont pour optimiser la production de ces complexes. Cette situation invite en urgence à mettre en oeuvre une politique plus ambitieuse d’économie d’énergies quand on sait que le gaz est consommé pour une bonne partie par le résidentiel. Il suffit d’installer le double vitrage dans les logements neufs et anciens pour économiser 40% d’énergie. Si le gouvernement motivait les ménages par le paiement de cet aménagement par tranches échelonné sur plusieurs années, le gain en termes d’économies de gaz consommé serait immense. n