Le Médiateur de la République a récemment annoncé que 600 projets d’investissements ont été débloqués, suite aux plaintes déposées par les opérateurs, victimes de cette pesante bureaucratie. Ce qui constitue une réalisation très positive qui
va dans le sens de la création de richesses et d’emplois et de l’amélioration du climat des affaires. Mais, si cette action est positive, il reste cependant encore d’autres verrous à sauter pour un meilleur climat des affaires et aux investissements.
Par Khaled Remouche
En effet, les trois principaux freins à l’investissement ne sont pas totalement levés, il s’agit de l’accès au foncier, les difficultés bureaucratiques et l’accès aux crédits. Selon l’aveu même de hauts responsables, en particulier le Gouverneur de la Banque d’Algérie, concernant le dernier obstacle, ce dernier a déclaré récemment que les banques sont réticentes à accorder des crédits. Pour Mohamed Kessel, spécialiste financier, «il y a plutôt une crise de confiance, une crise de bons projets d’investissement. Les hommes d’affaires ont peur actuellement. Ceux qui avaient un bon projet le mettent dans le tiroir». L’expert résume la situation : «Malgré les garanties données par les pouvoirs publics, les discours positifs des plus hautes autorités, le climat des affaires reste tétanisé par les différents évènements des dernières années : la crise judiciaire – emprisonnement des oligarques et des cadres mis en cause dans des affaires de dilapidation de deniers publics, de corruption et de transfert illégal de devises à l’étranger- et le risque pénal entravant la prise de décision au niveau des sphères d’exécution». Le spécialiste cite en exemple le cas de «plusieurs opérateurs» qui ne «veulent plus toucher au commerce puisque l’acte de stocker la marchandise peut mener à un emprisonnement de trente ans (loi contre la spéculation qui vient d’être promulguée, NDLR)». Il convient également de noter qu’une fois l’investissement libéré, l’opérateur n’est pas au bout de ses peines puisqu’il doit de nouveau se battre pour importer les équipements, les matières premières et les autres intrants et les dédouaner en période de restrictions dans les importations.
Maître Hind Benmiloud, contactée par Reporters, pointe du doigt de son côté l’instabilité juridique à travers notamment les «changements dans les lois de finances». Pour étayer son propos, elle rappellera que la loi de finances 2020 a contraint les opérateurs étrangers dans la production pharmaceutique et qui détiennent à 100% le capital de leur société à se conformer à la règle du 51/49 et donc de trouver un partenaire local qui partage le capital de la société. Par la suite, la loi de finances 2021 a annulé cette disposition. L’autre entrave est le Conseil national de l’investissement qui ne s’est pas réuni depuis belle lurette et qui bloque, aujourd’hui, de nombreux projets d’investissement dont les promoteurs attendent le feu vert depuis des années. Ce qui est étonnant, c’est que des projets qui sont destinés à la substitution aux importations et à l’intégration de l’industrie se trouvent bloqués. Ce Conseil ne semble pas faire la différence entre les investissements stratégiques, comme la substitution aux importations aujourd’hui, et les projets moins importants qui s’inscrivent dans le commerce et les services. La question qui se pose aujourd’hui est la pertinence de l’existence de cette structure qui bloque les investissements au lieu de les libérer. Le nouveau code du commerce devait trancher la question. La première mouture finalisée attend depuis plusieurs mois sa promulgation. Quant à l’Investissement direct étranger (IDE), il est en berne depuis plusieurs années. Une situation accentuée depuis 2019 avec le Hirak et la crise sanitaire. Les signaux adressés à l’extérieur depuis ne sont pas suffisants. Outre l’instabilité juridique, la bureaucratie et le régime des changes dissuadent les investisseurs. Sur ce point, il ne faut pas oublier les créances impayées par les oligarques auprès de leurs fournisseurs suite à leur emprisonnement. Une situation perçue à l’étranger comme un signal négatif. Le secteur des hydrocarbures, qui reste la locomotive de l’économie nationale, n’est pas en reste. Les compagnies étrangères qui veulent investir en Algérie attendent la promulgation de tous les textes d’application de la nouvelle loi sur les hydrocarbures pour se prononcer. <