La valeur réelle des importations algériennes est nettement en deçà des montants qui s’affichent en monnaie forte chaque fin d’année, affirme le ministre des Finances Aymen Benabderrahmane. «Elle s’élève à 28 milliards de dollars (mds usd) contre 64 mds usd les années précédentes», a-t-il indiqué sur les ondes de la Radio nationale. Le ministre met cette lourde différence sur le compte de la surfacturation qui, visiblement, se traduit par des extensions de prix parfois plus importantes que la valeur réelle de la marchandise importée.

Véritable fléau inscrit sur la liste des crimes économiques qui saignent à blanc les caisses en devises du pays, la surfacturation représentait, les années précédentes, «entre 30% et 35 % de la valeur de la facture des importations», a souligné M. Benabderrahmane. Ajoutant que le secteur poursuit la lutte contre ce phénomène en vue de réduire la valeur des importations. Celle-ci a «été amenée à 8 mds USD en 2020, sans que cela ait impacté la disponibilité des produits sur le marché national», s’est-il réjouit à ce propos.
L’Argentier du pays est revenu sur la surfacturation au lendemain du Conseil des ministres, qui a vu le président de la République remettre sur la table ce dossier sensible et plus que menaçant pour l’équilibre financier du pays. Dimanche, Abdelmadjid Tebboune a instruit le gouvernement d’accélérer la numérisation du secteur des douanes afin de lutter contre la surfacturation et d’absorber les fonds circulant dans le marché parallèle. Une instruction qui renvoie à l’engagement de Abdelmadjid Tebboune de lutter contre la surfacturation ouvertement affichée après son intronisation à la tête du pays, fin 2019. Quelques semaines après cette échéance électorale, il avait indiqué que «la maîtrise de la surfacturation peut faire gagner au pays entre 20% et 25% de devises fortes».
Le président de la République avait admis que ce phénomène existe également dans d’autres pays ayant ouvert leur économie, «mais pas avec la même ampleur qu’en l’Algérie», soulignant que ce phénomène «a été entretenu durant plus de 10 ans sans que les moyens de contrôle ne soient utilisés». Il avait fait état, dans ce sens, de «l’existence de sociétés d’assurances et de bureaux d’études agréés par les Nations unies, auxquels la loi permet de contrôler les prix à la source», soulignant avoir voulu appliquer cela en 2017. «C’était là la décision la plus dangereuse que j’ai eu à prendre car elle avait déplu à des milieux qui savaient que j’allais découvrir les choses», selon le compte-rendu de l’entrevue publié par l’agence officielle.
Et d’ajouter qu’il ne voulait pas «choquer le citoyen» en dévoilant le pourcentage «effarant» de la surfacturation et les montants valeurs des fonds «exorbitants» transférés à l’étranger. «Nous pouvons nous protéger de la surfacturation en sanctionnant immédiatement les importateurs qui surfacturent pour crime économique et non pas les laisser exercer pendant des années avant d’être inquiétés», avait-t-il poursuivi.
Parmi les mécanismes mis en place pour maîtriser la surfacturation, la loi de finances 2021 introduit le «paiement à terme» en tant que disposition servant à organiser les opérations d’importation. La LF signée mercredi dernier par M. Tebboune fait valoir un article qui impose le recours à ce type de paiement pour les opérations d’importation, et ce dans un délai de 30 jours à compter de la date d’expédition des marchandises.
Le Directeur général des Douanes, Noureddine Khaldi, avait expliqué que le «paiement à terme» est une mesure efficace qui réduira considérablement la surfacturation, en assurant notamment un meilleur contrôle du transfert des capitaux à l’étranger, en fixant un délai minimum pour le transfert effectif des montants dus aux fournisseurs, «ce qui permet à l’administration des Douanes de s’assurer de la valeur déclarée avant le transfert bancaire du montant des factures en devises», a-t-il soutenu.

L’opération d’évaluation des banques publiques lancée

Le ministre des Finances Aymen Benabderrahmane a fait état du lancement, hier, d’une évaluation globale de six banques publiques, suite à quoi les résultats et l’ensemble des dysfonctionnements seront annoncés en toute transparence, ajoutant que c’est le Trésor qui subit les failles sous-jacentes de l’octroi de crédits.
Assurant que son département se penche sur l’assainissement du portefeuille crédits, M. Benabderrahmane a précisé que cette opération est actuellement en cours au niveau de la Direction générale du Trésor (DGT) avec une reconsidération des procédures réglementaires. L’évaluation des banques annoncée, lundi, par le premier responsable du secteur s’inscrit dans le cadre de la réforme du système bancaire. A ce propos, M. Benabderrahmane a mis en avant «les efforts déployés pour la mise en œuvre de profonds changements sur la gestion et l’encadrement des banques afin de leur donner un nouvel élan».