La secrétaire générale du Parti de Travailleurs (PT) Louisa Hanoune est intervenue, hier, lors de la première réunion de l’année du comité central de son mouvement politique. La responsable, dans un long discours retransmis sur la page du média social Facebook du PT, a notamment abordé la question des prochaines élections législatives, qu’elle juge «non prioritaires» dans le contexte actuel marqué «par les deux ans du Hirak et une année de Covid-19, avec les conséquences de la gestion du gouvernement de la crise».

La secrétaire générale du Parti des Travailleurs, qui a par ailleurs noté que le «retour des marches populaires et des étudiants» qu’elle nomme de «deuxième révolution algérienne», confirme que le mouvement est «toujours là». Elle met également en garde contre une probable aggravation de la situation, en annonçant une «convergence» des luttes politiques et socio-économiques : «Hier (vendredi) nous avons vu des slogans qui dénoncent la propagation de la misère dans la société (…) et, en effet, tous les indicatifs sont au rouge. Et rien ne laisse présager que nous ne poursuivrons pas dans cette descente aux enfers causée par les mêmes politiques et l’absence de plan d’urgence pour corriger les choses».
En effet, abordant très longuement la question des prochaines élections législatives, qu’elle qualifie tour à tour de «replâtrage misérable» puis de «fuite en avant», Mme Louisa Hanoune s’est interrogée sur l’opportunité d’un tel rendez-vous, qui ne répondrait pas, selon elle, aux demandes du peuple : «Dans un contexte de crise majeure, une situation des plus délétères depuis l’Indépendance, le président de la République appelle le corps électoral pour les législatives le 12 juin prochain. Cette décision pose des questions.» Ainsi Mme Hanoune précise que «les Algériens sont sortis le 22 février 2019 pour le départ du régime, pour que la majorité puisse exercer sa souveraineté, c’est-à-dire choisir la nature du régime politique et des institutions». Ainsi plus que l’élection législative, c’est la nature du fonctionnement du pouvoir législatif «que personne n’a choisie», mais aussi la «loi électorale» qui sont mis en cause : «(…) J’ai vu la loi électorale, c’est une aberration sur le fond et sur la forme». Et concrètement, la secrétaire générale du PT estime que ce nouveau texte, défendu par le gouvernement, «élimine la participation des femmes, la parité n’est que virtuelle…». Cette même loi encouragerait également le «tribalisme et favoriserait la corruption politique (…) Avant, il n’y avait que les têtes de liste qui achetaient des places, maintenaient tout le monde peut acheter des parrainages». Même chose et même critique pour l’initiative visant à favoriser la participation des jeunes à la politique : «Les listes de jeunes, dites indépendantes, ne seront certainement pas indépendantes du pouvoir, c’est lui qui finance avec l’argent public. Et qui paye et contrôle (…) C’est une dérive très grave, le pouvoir institutionnalise la corruption politique et crée une discrimination en fonction de l’âge».
Ainsi la nouvelle loi électorale est jugée par le PT comme un «recul de la pluralité politique (…) l’élection tournera autour des personnes et non des idées». Quant à la régularité de l’élection, la responsable du PT accuse déjà le pouvoir de préparer une sorte de manipulation : «A la veille de la convocation du corps électoral (…) les intentions du pouvoir de caporaliser totalement les institutions élues ainsi que la vie politique, associative et syndicale sont confirmées via l’annonce de la création de deux entités intitulées «Nidaa el-watan» et «El Massar el-jadid» pilotées par des éléments de l’ancien pouvoir recyclés pour l’occasion». Deux mouvements qui n’auraient pour but que de donner l’illusion d’une pluralité, comprend-on en substance. «C’est une société civile en grande partie fabriquée par l’administration avec des fonds publics, ce qui s’apparente à une dilapidation», déclare Louisa Hanoune. Avant d’ajouter plus loin : «Ces deux entités ont été créées pour garantir une majorité présidentielle falsifiée (…) Ils n’ont pas de projets politiques, ils veulent juste attirer les jeunes et les opportunistes…»
La décision au comité central
Ainsi, si la position du PT sur la prochaine élection ne fait aucun doute, Louisa Hanoune a toutefois demandé au comité central du parti de trancher la question. Elle appelle cependant entre les lignes à ne pas y prendre part en posant les questions rhétoriques : «la participation ne conforterait-elle pas à la légitimation de la situation actuelle ? A la légitimation de l’effondrement dans tous les domaines ?»
Et à propos du contexte socio-économique dont la prise en charge est la priorité pour la secrétaire générale du PT, elle met en garde contre un prolongement du statu quo». «Si nous continuons de cette manière, l’Algérie se dirigera vers les scenario tunisien ou libanais (…) Les prémices de l’embrasement généralisé sont perceptibles, la colère des travailleurs, des chômeurs s’oriente vers une jonction avec les demandes politiques. Et le pouvoir est responsable de cette situation». Louisa Hanoune tient ici pour preuve le dernier bilan de l’Office national des statistiques «à cause de la montée du chômage, 42% des travailleurs ne sont pas déclarés à l’assurance sociale (…), au moment où il y a une baisse des offres d’emploi de plus de 30%, en plus des placements collectifs suite au confinement pseudo sanitaire et l’arrêt des activités».
Une situation de «colère sociale et économique» que la responsable du PT met par ailleurs en parallèle avec la revendication politique «insatisfaite» de la rue. «Le but du Hirak n’est toujours pas réalisé», estime en ce sens Mme Hanoune, qualifiant le système «d’héritier du modèle du parti unique». Et ce dernier «est toujours présent en Algérie. Seul le pouvoir d’Abdelaziz Bouteflika est parti, c’est-à-dire que ce sont des personnes qui sont parties mais le système est toujours là. Nous avons le même système d’institution, une même nature de régime, les mêmes politiques socio-économiques».