Plusieurs heures après la fermeture des bureaux de vote aux Etats-Unis, on ne connait pas encore le vainqueur des élections qui ont opposé dans un contexte de vive tension le démocrate Joe Biden au républicain sortant Donald Trump pour la course à la Maison Blanche. Selon des observateurs américains, il faudra attendre jusqu’à vendredi pour obtenir le résultat du vote dans certains Etats clés comme le Michigan ou le Wisconsin.

Du jamais vu depuis que les femmes américaines ont obtenu le droit de vote, en 1920. L’élection présidentielle US a vu 160 millions d’Américains se rendre aux bureaux de vote pour choisir entre le président sortant Donald Trump et son solide rival, le candidat démocrate Joe Biden.
Du coup le taux de participation à ce type de scrutin a fait un bond extraordinaire, atteignant 66,9% contre 59,2% en 2016, selon le US Elections Project.
Hier, tôt le matin, Joe Biden manifestait une confiance prometteuse d’une victoire. «Nous sommes en bonne voie pour gagner l’élection», a-t-il affirmé, avant d’appeler ses électeurs à la patience dans l’attente des résultats qui, a-t-il prévu, risquaient de se faire attendre plus que prévu.
De son côté, Donald Trump ne tardera pas à annoncer ses propres résultats, alors que l’opération de décompte n’était qu’à ses premières heures. Dans une confrontation très serrée, le président en exercice interviendra à partir de la Maison Blanche pour affirmer avoir «gagné cette élection». Il ira plus loin en dénonçant des «fraudes», rajoutant à l’ambiance électrique qui planait déjà sur ce rendez-vous.
Il aura droit d’ailleurs à une riposte rapide de la directrice de campagne de Joe Biden, Jen O’Malley Dillon, qui qualifiera sa prise de parole de «scandaleuse, sans précédent et fausse», considérant qu’il s’agissait d’un «effort non dissimulé de priver les citoyens américains de leurs droits».
Le risque d’une situation sans antécédent est en train de planer aux Etats-Unis. Celui d’une confusion qui se transformerait en crise politico-judiciaire au cas où Trump va jusqu’à saisir réellement la Cour suprême comme il l’a menacé en fin de journée, après avoir réitéré ses accusations de «fraudes». En attendant, les résultats partiels montrent du reste que le dirigeant républicain n’a pas subi la répudiation électorale que les sondages présageaient, prouvant que, même s’il était battu, sa base d’électeurs lui reste largement fidèle. Le milliardaire a dénoncé un ratage d’ampleur «historique» chez les sondeurs.
«Hier soir j’avais une bonne avance, dans de nombreux Etats-clés», a tweeté Donald Trump hier matin. «Puis, un par un, ils ont commencé à disparaître magiquement avec l’apparition et le comptage de bulletins surprise».
La guerre à distance ne cessait de gagner en intensité entre les deux candidats, alors que nombre d’Etats ont été débordés par le déluge de bulletins envoyés par correspondance, encouragés en raison de la crise sanitaire. Ouvrir les enveloppes et scanner ces bulletins pourrait dans certaines villes prendre plusieurs jours, en particulier à Philadelphie, fief démocrate.
Et si la justice s’en mêlait, comme en 2000, «cela pourrait durer des semaines», a dit hier à l’AFP Ed Foley, spécialiste du droit électoral à l’Ohio State University.
Selon lui, l’expérience a montré que la majorité des bulletins envoyés par courrier devrait porter le nom de Joe Biden, ce qui explique l’évolution favorable des résultats partiels dans les dernières heures, mais aucun média ne se risquait à faire de pronostic.
Même les républicains sont choqués par Trump
Même chez les républicains, la menace du président de saisir la justice choquait. «Cet argument n’a aucun fondement, aucun», a lâché le républicain Chris Christie, ancien procureur fédéral et gouverneur, qui a conseillé Donald Trump pour la préparation des débats présidentiels.
«Stop. Les bulletins seront comptés et soit vous perdrez, soit vous gagnerez. Et l’Amérique l’acceptera. La patience est une vertu», a tweeté le parlementaire républicain Adam Kinzinger.
Une certitude toutefois: la vague démocrate «bleue», espérée par certains dans le camp Biden, qui se prenaient à rêver de victoires historiques par exemple au Texas, n’a pas eu lieu. Le président sortant a conservé la Floride, faisant mentir de nombreux sondages, ainsi que le Texas, bastion conservateur qui avait un temps semblé menacé, et l’Ohio, remporté depuis 1964 par tous les candidats qui ont aussi accédé à la présidence.
Mais le chemin pour décrocher un second mandat reste étroit: il doit remporter l’essentiel des autres Etats-clés qui avaient contribué à sa victoire surprise de 2016.
A la différence du président, Joe Biden disposait de plusieurs scénarios pour décrocher la victoire. Il était donné vainqueur par certains médias dans l’Etat crucial de l’Arizona, bien que les républicains le contestent. Il semblait en bonne posture dans le Nevada.
Si cela se confirme, il devra gagner au moins deux ou trois des Etats disputés du Nord industriel (Pennsylvanie, Michigan, Wisconsin) et de l’Est (Géorgie, Caroline du Nord), tous ayant été remportés par Donald Trump il y a quatre ans.
Or, Joe Biden était en avance hier matin dans le Wisconsin et le Michigan, selon des résultats partiels. La directrice de campagne démocrate a dit s’attendre à ce que les deux Etats soient tranchés dès mercredi en faveur de M. Biden, ce qui, avec l’Arizona et le Nevada, lui assurerait 270 grands électeurs.
Quant à la Pennsylvanie, Donald Trump avait hier plus de 500.000 voix d’avance au total, mais son avance pourrait fondre après la prise en compte de bulletins envoyés par courrier. Ceux déjà comptés étaient à 78% pour Joe Biden.
C’est notamment dans cet Etat que M. Trump voudrait faire intervenir la Cour suprême.