La grève observée, hier, dans les établissements du cycle primaire de l’Education nationale a connu un suivi «important», selon les initiateurs de l’action qui parlent d’une adhésion estimée à 50 %, une évaluation qui mettrait davantage de pression sur la tutelle plus que jamais appelée à résoudre cette situation qui n’a que trop duré.
Par AZIZ LATRECHE et Meriem Kaci
En effet, hier, au premier jour de la grève cyclique hebdomadaire de trois jours initiée par la Coordination nationale des enseignants du primaire, c’est un arrêt qui a été constaté dans nombre d’établissements à Alger.
Les enseignants grévistes justifient la protestation par le «mutisme total de la tutelle et de son inertie alors que le département de l’Education, sous Abdelhakim Belabed, s’est engagé à répondre par la positive à toutes nos revendications», rappelle Bachir Kiouas, coordinateur national d’Alger-Ouest de ladite coordination. «La tutelle nous avait promis de répondre à toutes nos doléances, mais il s’est avéré qu’il n’y a pas de volonté d’aller vers une prise en charge réelle des doléances» et que «l’on continue à nous ignorer», alors que le personnel du cycle primaire représente «43% du secteur», ajoute le coordinateur d’Alger ouest.
Ce mutisme, juge M. Kiouas, «ne fera qu’accentuer le conflit», qui estime qu’en face du «pessimisme que tente d’imposer la tutelle par une attitude répressive», il y a de l’optimisme quant à la détermination des grévistes qui enchaînent d’autres actions à un rythme allant crescendo». Ce dernier reproche à la tutelle de procéder notamment à «l’intimidation des grévistes et de procéder à des ponctions sur salaires qui n’ont même pas épargné les non-grévistes.
«Il est inconcevable qu’on loue l’ouverture et le dialogue et qu’en parallèle, on exerce des pressions sur les grévistes, en ordonnant des ponctions sur salaire et sur la prime de rendement des professeurs grévistes», s’offusque notre interlocuteur.
Vers une grève illimitée
Ce dernier n’exclut pas ainsi de recourir à une grève illimitée. «On ne va pas s’arrêter à ce stade de la protestation cyclique ponctuée par des rassemblements. Une grève illimitée imminente et irrévocable dans le cas où la situation ne s’améliore pas», alerte le coordinateur d’Alger-ouest, qui explique que la décision sera prise à l’issue des «assemblées générales de la Coordination qui décideront de la nature des actions à entreprendre devant la politique de l’autruche qu’adopte le ministère».
La coordination n’a pas été conviée à la rencontre du ministère de l’Education nationale avec ses partenaires sociaux, parce qu’elle ne serait pas constituée dans une structure agréé. «La constitution dans un syndicat n’est pas une priorité car la Constitution et les lois en vigueur garantissent aux travailleurs le droit d’observer une grève». Il poursuit : «On est libre de choisir le cadre et la forme de notre lutte sans qu’on ne soit constitué dans un syndicat agréé.» L’enseignant indique que le nombre d’enseignants du cycle primaire dépasse les 300 000.
Inquiétude chez les parents d’élèves
Pour sa part, l’Association des parents d’élèves ne cache pas son inquiétude quant à l’impact de ce énième débrayage sur la scolarité de leurs enfants, même si elle évoque une «adhésion limitée sur l’ensemble du pays».
Pour cette association, l’inquiétude est davantage exprimée par le fait que la grève dure depuis plusieurs mois et qu’aucun signe de solution ne se profile à l’horizon, hormis la bonne parole du ministre annonçant «une refonte» de l’enseignement dans le cycle primaire.
En effet, Khaled Ahmed, président de l’Association des parents d’élèves, a considéré que ce taux ne dépassait pas 5 % au niveau national, mais que «l’impact de cette contestation entamée par une organisation revendicative, peu connue et non agréée, sur les élèves ne peut être que négatif». «L’impact se fera ressentir sur l’avancement des programmes. Nous demandons aux enseignants de ce cycle de ne pas les suivre. Il ne faut pas oublier que les intérêts des élèves et ceux des enseignants sont liés», a-t-il expliqué.
Khaled Ahmed a demandé, en outre, que la tutelle «ouvre un dialogue avec les enseignants grévistes et d’être à l’écoute de leurs préoccupations». Sur une question liée à la possibilité que cette coordination appelle à une grève illimitée si jamais ses revendications ne sont pas satisfaites, le même intervenant a manifesté «beaucoup d’inquiétudes».
«Nous avons une grande inquiétude par rapport à ce qu’est devenue l’Ecole algérienne durant les dernières années et ce malgré l’amélioration de la situation sociale des enseignants», soutient-il à cet effet.
Une source syndicale dans le secteur de l’Education a affirmé, hier, que «quel que soit le taux d’adhésion à cette grève et même si elle atteint seulement 2 %, cela génère un impact négatif au vu du nombre important d’enseignants dans ce palier et les centaines d’élèves qui peuvent être victimes de cette situation».
Néanmoins, la même source, qui a préféré garder l’anonymat, trouve «inappropriées» certaines revendications. «Certains parmi eux ont déposé des licences lors de leur recrutement dans le premier palier, alors qu’ils détiennent des masters 2, et après on se plaint et on demande une unification de la classification», ajoute-t-elle. Pour le deuxième jour de la contestation, les enseignants du cycle primaire comptent observer un rassemblement à Alger.
Les enseignants réclament, pour rappel, la modification du statut particulier, de sorte à reclasser les enseignants du secondaire, du moyen et du primaire au même grade de base, l’application du décret présidentiel 266-14 avec effet rétroactif et la création de nouveaux grades d’enseignants pour les matières scientifiques, littéraires et l’éducation physique, ainsi que la diminution du volume horaire. Les enseignants demandent également la restitution du droit à la retraite anticipée et sans condition d’âge, la régularisation de la situation des enseignants formés après le 3 juin 2012, afin de leur permettre de bénéficier des différentes promotions et, enfin, la révision des programmes pédagogiques pour, notamment, alléger le poids des cartables. En tout état de cause, et à travers ce énième appel à la grève, c’est l’instabilité qui s’inscrit dans la durée dans le premier cycle de l’Education nationale.