Un an après le début de la crise sanitaire, l’Algérie ne semble toujours pas disposer d’un réel plan de sauvegarde des entreprises ni de schéma concret pour relancer rapidement la machine économique. En particulier lorsque le déconfinement sera effectivement opéré et que la campagne de vaccination massive en cours aura avancé et produit ses pleins effets positifs. Les mesures déjà prises sur ce point restent incomplètes après plus de 12 mois de pandémie.

La note récente de la Banque d’Algérie est révélatrice de la situation. Cette dernière, rappelons-le, a sommé les banques publiques à répondre de façon diligente aux difficultés des entreprises impactées par la crise en les soutenant concrètement, en particulier, par le report effectif du remboursement de leur dette pendant toute la période de pandémie et en les accompagnant dans le règlement de leurs difficultés financières. Ce texte occulte, cependant, pour l’économiste Rachid Sekak, contacté par Reporters, la new money, cette mesure complémentaire aux décisions prises depuis avril 2020 pour aider les entreprises à surmonter leurs difficultés financières accrues par les effets de la double crise, économique et sanitaire. La new money, rappelons-le, se résume aux nouveaux crédits d’exploitation à accorder aux entreprises pour régler leurs problèmes de trésorerie qui se sont exacerbés au cours de cette période de Covid-19. Pour Rachid Sekak, cette mesure urgente, la new money, reste incontournable si on veut relancer la machine économique. «En cette période de pandémie Covid-19, l’un des gros soucis de nos entreprises réside en la trésorerie, la new money. Dans de très nombreux pays, l’Etat est garant de ces nouveaux crédits d’exploitation pour régler les problèmes de trésorerie des entreprises impactées par la crise sanitaire. En France, l’Etat a accordé une centaine de milliards d’euros en vue de relancer l’économie. Je ne comprends pas pourquoi cela n’a pas été fait en Algérie (ndlr, la garantie par l’Etat de ces crédits).
Des spécialistes et des opérateurs ont appelé à cette mesure salutaire depuis plus d’un an. L’économiste avertit en ce sens : «L’Etat algérien, comme tous les pays, doit mettre la main à la poche de façon intelligente car nous ne pouvons pas relancer la machine économique avec un champ de cadavres». Traduire. Si cette mesure de soutien des entreprises n’est pas mise en oeuvre rapidement, il faut craindre, en 2021, la faillite d’un grand nombre d’entreprises, du moins l’aggravation des difficultés financières d’un nombre important d’entreprises et son corollaire la mise en chômage technique ou le licenciement de centaines ou de dizaines de milliers de travailleurs, détériorant du coup le climat social et entravant ainsi la bonne marche vers une relance rapide de l’économie nationale.
A noter que la garantie de l’Etat pour ces crédits d’exploitation est d’autant plus indispensable qu’elle favorise l’octroi de ces crédits par les banques. L’Etat prend à son compte les risques liés à ces prêts d’exploitation essentiellement, le risque de non-remboursement de ces crédits.

Rachid Sekak : «On ne peut relancer l’économie nationale avec un champ de cadavres»
Cette situation est ainsi d’autant plus inquiétante en l’absence de transparence sur l’impact réel de la crise sur le tissu économique du pays. Des informations éparses certes sont diffusées par les sources officielles mais sans donner une image exacte et à jour de l’impact de la crise sur les entreprises : nombre d’entreprises en faillite en graves difficultés financières secteur par secteur, nombre de salariés en chômage technique ou objets de licenciements. L’exercice avait été tenté l’an dernier. Il avait montré ses limites. Les chiffres rendus publics n’étaient, à cette époque très récente, pas exhaustifs et ne rendaient pas compte complètement de l’impact de la crise sanitaire sur l’économie nationale. De vrais problèmes d’information économique, de statistiques et de transparence se posent. Ces insuffisances dans l’information économique ne sont toujours pas surmontées plus d’un an après le premier cas Covid en Algérie. Il convient de rappeler enfin que les mesures de soutien aux entreprises se résument au report des échéances de crédit, rééchelonnement des créances des entreprises impactées, octroi de crédit à ces entreprises, report du paiement des charges fiscales et parafiscales. Mais, faute notamment de garantie de l’Etat, certaines banques rechignent à appliquer ces décisions. La Banque centrale a également réduit le seuil de coefficient de liquidités, dispensé les banques de constituer un coussin de sécurité et réduit le taux de réserve obligatoire de 10% à 8%, puis de 8 à 6%, puis à 3% et, enfin, à 2% pour libérer de la liquidité permettant aux banques commerciales d’accorder davantage de crédits aux entreprises touchées par la crise. Outre ces difficultés à accompagner les entreprises impactées, les mesures prises s’avèrent donc insuffisantes pour enclencher une dynamique de croissance ou préparer ce retour au sentier vertueux de la croissance au déconfinement. Faut-il in fine face cette situation inquiétante encourager l’immobilisme et laisser jouer le temps contre les entreprises et les travailleurs ?<