Personne n’ignore que la situation économique en Algérie n’est guère brillante. Tous les indices économiques, en rapport avec la croissance et le PIB, tendent vers le bas, selon l’expert en économie, Abderrahmane Mebtoul. Et c’est toujours la rente des hydrocarbures qui détermine, indique-t-il, à la fois le taux d’emploi et les réserves de change pendant que la sphère informelle continue à contrôler plus de 33% de la masse monétaire en circulation. En outre, le taux d’intégration des entreprises publiques et privées ne dépasse toujours pas les 15%, dépendantes des importations, et la baisse de leurs activité frôle les 50% dans certaines filières. «L’absence de statistiques économiques officielles récentes et fiables accentue le sentiment d’insécurité chez les opérateurs et entretient les incertitudes. Face à cette situation, nous assistons à un important déficit budgétaire et à une dégringolade sans précédent de la cotation du dinar», constate-t-il, estimant que cette situation en sus de l’impact néfaste de la crise sanitaire nous oblige à tirer les leçons qu’il faut pour l’avenir.
La première leçon à retenir, selon lui, c’est de ne pas mettre en place les mêmes stratégies, mais une planification qui tient compte du renouveau mondial, pour ne pas commettre les mêmes erreurs. «La leçon à tirer sur le plan mondial est l’urgence de revoir le système de santé, surtout dans les régions les plus pauvres. Il s’agit aussi d’éviter le retour d’une troisième vague qui serait catastrophique sur le plan économique et social», prévient-il. Sur le plan géostratégique, poursuit-il, la crise de 2020 préfigure, non pas la fin de la mondialisation, mais une nouvelle architecture des relations entre l’Etat régulateur et le marché et entre acteurs politiques et économiques internationaux. «Durant cette crise exceptionnelle, il est nécessaire d’adopter de nouveaux comportements en allant vers plus de décentralisation. L’après-confinement devra se faire de manière progressive en prenant en compte les effets psychosociologiques», dit-il. Concernant l’Algérie, il déconseille de vivre dans l’illusion et recommande de faire face à la réalité telle qu’elle est. «La situation économique est inquiétante et le statu quo actuel est suicidaire. Ce qui nécessite un sursaut national qui ne peut provenir que des Algériens eux-mêmes. Le risque, en cas de stagnation du cours des hydrocarbures et l’absence de réformes profondes en faveur d’un retour à la croissance, est la spirale inflationniste du scénario vénézuélien», avertit-il. Il explique que ce scénario consiste en la dévaluation de la monnaie, le ralentissement de la croissance, la poursuite des importations de plus de 80% des matières premières et équipements pour les entreprises publiques et privées, le manque de confiance chez les citoyens et la détérioration du pouvoir d’achat. L’illusion monétaire peut conduire le pays, dit-il, à une impasse en l’absence d’un véritable plan de relance qui demandera du temps pour la rentabilité des projets, à savoir entre 2024 et 2028. Il faudra au moins trois ans pour les PMI/PME pour se rentabiliser, 6 à 7 ans pour les grands projets structurants et à la condition que les contraintes d’environnement soient levées et que les projets soient mis en œuvre au cours de cette année.
L’Algérie est un pays à fortes potentialités mais étant acteur stratégique au niveau de la région méditerranéenne et africaine, elle a besoin d’un renouveau dans sa gouvernance, pour s’adapter aux nouvelles mutations mondiales, loin de la mentalité rentière destructrice. Pour dépasser l’entropie actuelle et éviter un retour du FMI l’an prochain, selon lui, le développement de l’Algérie, sa stabilité et la reconquête de la cohésion nationale devront passer par la construction d’un front intérieur solide en faveur de profondes réformes politiques, économiques, sociales et culturelles.
«En résumé, le fondement du développement au XXIe siècle repose sur la bonne gouvernance et la valorisation du savoir dans un monde en perpétuel mouvement où toute nation qui n’avance pas recule forcément. Personne ne peut se targuer d‘être plus patriote qu’un autre. La tolérance par la confrontation d’idées contradictoires productives, loin de tout dénigrement, est la seule voie pour dépasser l’entropie actuelle», estime-t-il avant de conclure en disant que le plus ignorant est celui qui prétend tout savoir. <