Abderrazak Guessoum, président de l’Association des Oulémas musulmans algériens, lève le voile sur l’épisode controversé du séminaire sur la pensée islamique qui s’est déroulé en 1985 à Béjaïa, rencontre qui donna lieu à une grosse polémique provoquée par les propos critiques et les propositions de réforme préconisées par Mohammed Arkoun. Position qui lui aurait valu d’être exclu de ladite rencontre, selon la fille de l’islamologue, Sylvie Arkoun, pour laquelle l’exclusion de son père est un fait avéré. «Cheikh Al Ghazali traita mon père d’apostat et le chassa publiquement du séminaire. Mon père a été extrêmement affecté par la violence de cette altercation publique, mais aussi et surtout par le fait de ne pas avoir eu le soutien des autorités qui l’avaient pourtant elles-mêmes invité. Il s’était senti rejeté par son propre pays, alors qu’il était là pour parler d’un islam des lumières, un islam plus dans la liberté que dans la contrainte politique. Cet incident, je crois, l’a décidé à ne plus revenir en Algérie», a soutenu Sylvie Arkoun. Ce qui est faux, selon le président de l’Association des oulémas musulmans algériens. Abderrazak Guessoum réfute catégoriquement une telle assertion. «J’étais présent à ce séminaire, et c’est moi-même qui avait présidé la séance durant laquelle Mohammed Arkoun a présenté sa conférence, qui a porté sur la relecture du texte coranique à la lumière des sciences du langage (sémantique, philologie…). Il a également critiqué la position figée de la majorité des théologiens musulmans sur les thèmes de la polygamie, de l’égalité dans l’héritage hommes-femmes. Des idées qui lui valurent de sévères critiques de la part de cheikh Al Qardaoui, cheikh Al Bouti, cheikh Al Ghazali et d’autres théologiens nationaux et étrangers. En raison de la polémique qui s’en était suivie, la conférence a duré presque toute la journée au lieu du timing prévu (quarante-cinq minutes pour l’exposé et une heure pour le débat). J’ai entendu dire qu’il a été exclu suite à ces déclarations. Je déments formellement cette assertion qui est infondée. Personne n’a le droit d’expulser quiconque. Même le ministre des Affaires religieuses ne pouvait pas le faire. Mohammed Arkoun n’avait pas été censuré, au contraire, il avait répondu à toutes lesquestions et aux critiques et il a fini par implorer le pardon de Dieu pour les propos qu’il avait tenus », finira par dire M. Guessoum. Sur un autre registre et s’agissant de sa pensée, le président de l’Association des Oulémas musulmans algériens aura des propos nuancés sur Arkoun, qui «a fait l’objet de critiques fondées et d’autres non objectives». Et d’ajouter : «Il convient de faire la distinction entre l’intellectuel Arkoun et l’idéologue Mohammed Arkoun. Un aspect de sa personnalité qui mérite critique et, pourquoi pas, une certaine contestation. Cependant, nul ne peut contester les capacités de penseur de Mohammed Arkoun qui a ses disciples et qui a laissé son empreinte dans le monde musulman et dans le monde entier. Sa pensée universitaire demeure le phare qui oriente les chercheurs.»
H. A. M