Marqué par l’émergence, depuis le 22 février 2019, d’un mouvement populaire devenu acteur majeur avec un impact certain sur l’agenda officiel, le champ politique national semble connaître, ces dernières semaines, un début d’évolution aux contours significatifs et qui peut confier de nouveaux rôles aux différents acteurs.

En effet, l’adhésion et l’enthousiasme autour du mouvement de contestation, né il y a onze mois, contre un cinquième mandat pour le président déchu et pour l’amorce d’un changement politique avec l’instauration d’un Etat de droit, ne sont plus de la même intensité. Le mouvement populaire, s’il s’inscrit dans la durée en dépit des restrictions policières, force est de constater que sa capacité de mobilisation a accusé le pas depuis notamment la tenue de l’élection présidentielle dans un contexte de tension inextricable. Pour de nombreux observateurs, le fait que les autorités aient pu organiser ce scrutin, deux fois ajournés sous la pression du Hirak, a semé le doute chez des pans importants parmi ceux qui investissaient la rue chaque vendredi.
A l’évidence, et si les revendications populaires portées sur la place publique depuis le 22 février sont au cœur de la vie politique nationale, y compris dans le discours officiel, où on n’hésite plus à parler de la « bénédiction » du mouvement, les dernières évolutions notamment à travers le rythme imprégné par le président Tebboune à ses chantiers, semblent éloigner le Hirak de la « centralité » de l’équation. Même si les consultations politiques engagées par le premier magistrat du pays, en perspective de l’amendement constitutionnel pour lequel un comité d’experts a été installé, ne suscitent pas une forte adhésion populaire à la vue des manifestations de rue qui se poursuivent à travers les quatre coins du pays.
Ces consultations, centrées pour le moment, sur les figures historiques de la Révolution, tendent manifestement à créer une sorte de déclic dans les rapports entre le pouvoir et le personnel politique. Le chef de l’Etat a manifestement réussi le pari de nouer des contacts et d’engager les consultations autour du projet de révision constitutionnelle, pour lequel il a reçu des figures critiques du champ politique qui ont exprimé leur adhésion aux revendications du Hirak dès son début.
C’est le cas de l’ancien chef de gouvernement, Mouloud Hamrouche, de l’ancien Premier ministre, Ahmed Benbitour et de l’ancien ministre de la Communication, Abdelaziz Rahabi. Pour sa part, le président de Jil Jadid, Soufiane Djilali est allé réitérer au Président de la République les revendications du mouvement populaire avec un accent sur « la libération de l’ensemble des détenus d’opinion, en citant les cas de Karim Tabou, Fodhil Boumala, Samir Belarbi et Abdelwahab Fersaoui, ainsi que tout autre détenu du Hirak ».
En attendant, bien entendu, de voir comment évoluera ce processus de consultations et comment sera-t-il accueilli par les autres courants de l’opposition, maintenant que la mouvance démocratique a déclaré publiquement sa désapprobation et son rejet, il est d’ores et déjà loisible de constater que le chef de l’Etat s’est mis dans l’action en multipliant rencontres et décisions.
La communication officielle rappelle à cet effet que chacune des rencontres du Président « s’inscrit dans le cadre de la poursuite des consultations lancées par le Président de la République avec des personnalités nationales, des présidents de parti et des représentants de la société civile sur la situation globale du pays et la révision de la Constitution ». La même communication explique que l’objectif de ces consultations est l’édification d’une nouvelle République « répondant aux aspirations du peuple et de procéder à une réforme globale de l’Etat à même de consacrer la démocratie dans le cadre d’un Etat de droit préservant les droits et les libertés des citoyens ».n