Par Hakim Ould Mohamed
Dans sa quête de solutions de nature à aider à réduire sa dépendance aux hydrocarbures russes, l’Union européenne est parvenue, vendredi, à faire valider l’idée d’achats groupés de gaz pour l’ensemble de ses Etats. Les Vingt-Sept et la Commission «vont, de façon urgente, travailler ensemble à des achats volontaires de gaz, de gaz naturel liquéfié (GNL) et d’hydrogène», selon les conclusions du sommet de Bruxelles.
Parallèlement à ce projet, l’Union européenne et les Etats-Unis se sont engagés dans une initiative conjointe qui consiste à renforcer les approvisionnements de l’Europe en GNL américain. L’une comme l’autre, ces deux initiatives permettraient, selon leurs initiateurs, de contribuer à affranchir l’Europe de sa dépendance des hydrocarbures russes. L’Union européenne cherche à remplacer cette année près des deux-tiers de ses importations de gaz en provenance de Russie, son principal fournisseur. La notion d’achats communs, lancée pour la première fois dans l’UE, il y a plusieurs années, a été ressuscitée après que la crise ukrainienne ait éclaté au milieu d’un approvisionnement qui serait en baisse en provenance de Russie.
L’idée consiste à mettre en place une plate-forme d’achats conjoints. La mutualisation de la demande permettrait d’assurer le GNL, le gaz et l’hydrogène à des prix abordables en partenariat avec des fournisseurs de la région méditerranéenne, d’Afrique, du Moyen-Orient et des Etats-Unis, lit-on dans les conclusions rendues publiques à l’issue du sommet des dirigeants de l’UE tenu jeudi et vendredi. Quant à l’accord conclu, vendredi, par les Européens avec leurs partenaires américains, il porte sur l’engagement des Etats-Unis, premier producteur mondial de gaz naturel, à envoyer plus de gaz naturel liquéfié (GNL) à destination de l’Europe pour aider leurs alliés à rompre leur dépendance vis-à-vis du gaz russe. Le président américain Joe Biden a promis dans ce sens que les Etats-Unis livreraient au moins 15 milliards de mètres cubes additionnels de GNL aux Européens cette année.
Une option subordonnée à plusieurs facteurs
Cependant, l’équation de faire du GNL américain un substitut au gaz russe est pour le moins complexe. D’abord parce que le GNL ne représente que 20% de la consommation globale de l’Europe en gaz. Et, ensuite, parce que les Etats-Unis, qui sont déjà le premier fournisseur de GNL de l’UE (22 milliards de m3 l’an dernier), ne couvrent qu’environ 6,3% des importations totales de gaz de l’Union européenne. Sans oublier la forte dépendance de certains Etat européens au gaz russe ; 45% des achats de gaz de l’UE proviennent de Russie. Cette proportion a atteint 55% pour l’Allemagne et plus de 95% pour la Finlande, la Hongrie et la République Tchèque. Moscou fournit quelque 150 milliards de m3 de gaz par an, dont seulement 15 milliards de GNL.
Ainsi, l’objectif d’affranchir complètement l’Union européenne du gaz russe, avant 2030, reste difficile à réaliser, à moins que plusieurs autres partenaires soient mis à contribution, en réorientant carrément des volumes de gaz vers l’Europe, destinés initialement à d’autres clients. Dans ce sens, la Commission européenne a indiqué, qu’outre les Etats-Unis, elle a engagé des négociations avec les principaux pays producteurs (Norvège, Etats-Unis, Qatar, Algérie). Selon des analystes des marchés du gaz, le plan de l’UE bute également sur des infrastructures de stockage et de regazéification très limitées en Europe. Coordonner les capacités pour pouvoir importer 50 milliards de m3/an de GNL supplémentaires signifie la construction en urgence de nouveaux terminaux de GNL. «Une voie dangereuse» qui «rendrait l’UE prisonnière des énergies fossiles pour longtemps», selon l’ONG environnementale Global Witness. En outre, même si les Etats-Unis peuvent facilement dépasser l’objectif de 15 milliards de mètres cubes d’exportations additionnelles à destination de l’Europe, le GNL américain peut ne plus être compétitif sur le Vieux Continent si les prix venaient à baisser. <