Quatorze organisations syndicales réunies sous la bannière de la Confédération des syndicats algériens (CSA) ont vivement réagi et exprimé leur inquiétude quant au projet de loi relatif à l’exercice du droit syndical, présenté devant la commission spécialisée de l’APN ce 9 janvier.

Par Sihem Bounabi
En effet, dans un communiqué parvenu hier à la Rédaction, la CSA qui compte des syndicats de la Santé, de l’Education nationale et d’autres secteurs de la Fonction publique parmi lesquels la SNTE, UNPEF, SNPSP, CLA, CNAPEST, SATEF, SAFI, SNAPSY, SNTFP, SNAS, SNAPEST, SABSP… s’insurge contre la présentation du projet de loi sur l’exercice du droit syndical, la loi sur la prévention et le règlement des contentieux collectifs au travail ainsi que le droit de grève, devant le Parlement, et ce, sans impliquer les partenaires sociaux dans leur préparation, malgré l’engagement de l’autorité compétente à le faire, ce qui marque une «violation flagrante» du principe du dialogue social, ont dénoncé les organisations syndicales signataires du communiqué.
Suite à la réunion organisée le 11 janvier dernier par la CSA, ajoute le communiqué, les syndicats ont décidé, à l’unanimité, du rejet de ces projets de lois et appelé à leur retrait afin d’ouvrir les discussions avec les partenaires sociaux afin de leur apporter un enrichissement dans un esprit de dialogue et de concertations, en raison de plusieurs réserves émises par le CSA.
En effet, les syndicats membres du CSA estiment que ces projets de loi, dans les deux volets, vont à l’encontre des lois de la République quant à la liberté de l’exercice du droit syndical et une violation flagrante des traités internationaux ratifiés par l’Algérie dans ce domaine. Il est également souligné que ces projets de loi portent atteinte aux acquis des droits syndicaux des lois 90/14 et 90/02.
Les signataires mettent également en exergue l’ambiguïté de certains articles proposés et les références fréquentes à l’expression «en application de la réglementation» qui donnent de larges pouvoirs à l’administration et à l’employeur au détriment des représentants des salariés.
En outre, les syndicats dénoncent la mise en place de conditions procédurales coercitives pour certains droits syndicaux, à l’instar du droit de grève pourtant légalement garanti. Il est également dénoncé dans cette nouvelle loi la faible protection de la liberté d’exercer le travail syndical et le recours fréquent à la justice au lieu de prévaloir le dialogue social.
Atteinte aux acquis des droits syndicaux
Pour rappel, le 9 janvier, le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale, Youcef Cherfa, a présenté le projet de loi relatif à l’exercice du droit syndical devant les membres de la Commission de la santé et des affaires sociales de l’Assemblée populaire nationale (APN).
Ce projet de loi, qui annule et remplace la loi 90-14 du 2 juin 1990 relative aux modalités d’exercice du droit syndical, est au diapason de la conjoncture actuelle du pays, a-t-il ajouté. Soulignant que cette phase nécessite la révision de nombreuses pratiques dans différents secteurs, notamment l’exercice du droit syndical, les obligations et les devoirs et la défense des intérêts des fonctionnaires et travailleurs, loin des tractations partisanes et politiques.
«Les dispositions du projet de loi ont été adaptées aux traités internationaux des droits de l’homme et aux conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT) ratifiés par l’Algérie, notamment la Convention n°87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical ainsi que la Convention n°89 sur le droit d’organisation et de négociation collective», a poursuivi M. Cherfa.
Le texte en question, souligne le ministre, «renforce les symboles d’unité, les valeurs et les constantes nationales ainsi que les principes de la Constitution, en particulier le respect de la liberté individuelle et collective au travail et le rejet de la discrimination syndicale».
Ce texte est composé de 164 articles répartis sur huit chapitres. Au titre de leur autonomie, il est indiqué que le syndicat doit garder dans son action une indépendance à l’égard des partis politiques. Ce texte de loi interdit également aux organisations syndicales d’exercer des activités politiques sous toutes leurs formes, sous peine d’être dissoutes.
Ainsi en son article 12, il est souligné que «les organisations syndicales sont autonomes dans leur fonctionnement et distinctes par leur objet et dénomination de tout parti politique». Et «elles ne peuvent entretenir avec elles aucune relation qu’elle soit organique ou structurelle, ni recevoir de subventions financières et d’autres avantages de leur part, sous peine de suspendre leurs activités».
L’article 13 précise que «les membres fondateurs et dirigeants des organisations syndicales sont tenus de rester neutres» et de «s’abstenir à faire des déclarations de soutien aux partis et toute autre personnalité politique».
Par ailleurs, sont également soulignées dans la loi les modalités de la dissolution d’organisation syndicale notamment à travers l’article 65 qui précise que «la dissolution d’une organisation syndicale peut être prononcée par voie judiciaire, sur requête de l’autorité publique ou de toute autre partie, dans le cas de violation des dispositions de la présente loi relative à son objet, des règles et procédures relatives à son fonctionnement, prévues dans ses statuts».
Cette dissolution est prononcée également dans le cas «de violation des dispositions de la présente loi relative à ses relations avec les partis politiques», «Le non-exercice d’activité effective liée à son objet pendant 3 ans» et dans le cas où les organisations syndicales connaissant «des difficultés financières graves et continues, entravant leur fonctionnement». Elles sont également dissoutes dans le cas de «perpétration d’infractions financières graves et d’atteinte à son patrimoine». La dissolution de l’organisation syndicale est aussi prononcée pour «incitation à la violence, menace ou tout autre comportement illégal avec violation ou tentative de violation des droits des travailleurs», ainsi que pour «refus d’obtempérer et d’appliquer les décisions de justice».
Il est également souligné dans l’article 66 que dans le cas où une organisation syndicale commet une infraction susceptible de porter atteinte à l’ordre public, l’autorité administrative concernée peut porter plainte devant l’instance judiciaire compétente pour demander la suspension de toutes activités de cette organisation.
Il est à noter que le 10 janvier, Youcef Cherfa a présenté le projet de loi relatif à la prévention et au règlement des contentieux collectifs au travail et à l’exercice du droit de grève en soulignant que ce texte de loi se décline en 5 chapitres et comprend 91 articles. Il «renvoie les modalités d’application de certaines dispositions à des textes d’application en cours d’élaboration». Le ministre du Travail a précisé à cette occasion que le projet de loi «accorde un intérêt particulier à l’encadrement de l’exercice du droit de grève et aux incidences pouvant découler de l’interruption du service public» en annonçant que dans ce projet de loi, recourir aux grèves illégitimes» peut mener une organisation syndicale à sa dissolution. n