Par Hamid Bellagha
La crise ukrainienne et son arrière-plan de rivalités militaires et géostratégiques entre l’Occident, Etats-Unis en tête et à la manœuvre, et la Russie menacée dans son espace vital, remet au goût du jour la question énergétique et son rôle dans l’équilibre ou le déséquilibre des puissances dans le monde.
C’est tout le sens à donner aux interrogations, aux inquiétudes et, disons-le, à la guerre psychologique menée par Washington et ses alliés contre Moscou qui serait selon eux sur le point de projeter ses forces en territoire ukrainien et de couper ses fournitures en gaz du marché européen. C’est tout le sens à donner au forum des pays exportateurs de gaz qui se tient à Doha et dont la logique est de se pencher sur la dangerosité d’un scénario d’escalade entre la Russie et ses rivaux occidentaux sur le marché gazier mondial. Menés par le Qatar, géant gazier et acteur influent, les pays producteurs dont l’Algérie vont certainement travaillé à éviter un choc gazier, qui reste du domaine du probable au vu des pressions subies par le Kremlin et des manœuvres l’incitant à la faute de faire mouvement sur l’Ukraine et à cesser d’approvisionner en gaz les clients européens de la Russie.
De quelle marge de manoeuvre ces pays producteurs disposent-ils? Une participation du président Poutine serait déjà un gage de succès pour leur forum à devenir un lieu de débat et pour désamorcer la crise actuelle. Des résolutions fortes d’engagement à ne pas priver les grands pays consommateurs en Europe, mais en Asie aussi, de leurs besoins gaziers peuvent également jouer comme d’un effet d’apaisement du marché mondial. En 2011, au premier forum des pays exportateurs de gaz, peu d’observateurs pariaient sur sa pertinence à jouer le rôle actuellement dévolu à l’Opep + pour la régulation du marché pétrolier. Aujourd’hui, on le voit bien, ce n’est plus le cas et s’il est téméraire de parier sur une Opep du gaz que l’Algérie verrait d’un bon oeil, tous les observateurs s’accordent sur l’alternative que représente le sommet des chefs d’Etat et de Gouvernements du Forum des pays exportateurs de gaz (GECF), à Doha, en matière de diplomatie énergétique et d’opportunité pour des pays comme l’Algérie de rappeler leur rôle stabilisateur en tant que fournisseur fiable et soucieux d’équilibre y compris dans les contextes de crises et de rivalités géopolitiques aigues.
Ce sommet des pays exportateurs de gaz intervient, rappelle-t-on, dans un contexte de résurgence de guerre froide et de manœuvre de l’Otan à placer des dispositifs d’attaque susceptible d’ébranler la sécurité de la Russie de ses frontières orientales avec l’Europe jusqu’à l’Oural. Moscou fait valoir son droit à ne pas accepter un tel déploiement et son refus légitime de voir l’Ukraine comme la Géorgie d’ailleurs d’adhérer à l’OTAN et devenir une menace permanente pour ses intérêts vitaux. Ce n’est pas rien pour ces pays réunis à Doha de se placer comme un courant d’intermédiation dans une crise dont les conséquences sont incalculables pour tout le monde en cas d’aggravation. L’importance de ce sommet n’est donc pas à démontrer. Pour l’Algérie, ce sera l’occasion aussi de relancer avec le Qatar une relation bilatérale qui n’a pas été des meilleures durant ces dernières décennies. La visite « d’amitié » de deux jours du locataire d’El Mouradia à Doha portera certainement sur les questions économiques et d’investissement…