La Libye semble irrémédiablement entrée dans une phase de grandes turbulences. La décision du déploiement des troupes turques, les attaques meurtrières du maréchal Khalifa Haftar, l’activisme direct ou indirect de plusieurs acteurs étrangers font inexorablement monter la tension.

L’arrivée à Alger d’une délégation libyenne, constituée du président du Conseil présidentiel du Gouvernement d’union nationale (GNA), Fayez Al Serraj, accompagné par le ministre des Affaires étrangères, intervient dans une conjoncture particulièrement tendue. Cette visite d’Al-Serraj à la tête d’une délégation de haut niveau exprime la considération pour le rôle de l’Algérie dans la crise libyenne. « La rencontre de Al-Serraj avec le Président de la République, Abdelmadjid Tebboune, s’inscrit dans le cadre des concertations permanentes entretenues avec les frères libyens et permettra d’échanger les vues sur l’aggravation de la situation en Libye et d’explorer les voies susceptibles de surpasser cette conjoncture difficile », a fait noter Alger. Les concertations, qui ne se sont jamais arrêtées, même dans les moments les plus délicats, n’ont exclu aucun acteur. Cette posture s’inscrivant en droite ligne de la position médiane de l’Algérie sur l’épineux dossier libyen. Cette visite arrive dans une conjoncture de crise, caractérisée par la complication de la situation sécuritaire, suite au déploiement annoncé des forces turques. L’alimentation en armes de part et d’autres pourrait bien compliquer les efforts pour une solution concertée. Le risque de conflagration entre plusieurs puissances par troupes libyennes interposées est, aujourd’hui, une réalité. L’inquiétude exprimée tant à Alger qu’à Tunis est à prendre avec le plus grand sérieux. L’Union européenne, qui ne voudrait pas avoir une guerre à ses frontières Sud (la Méditerranée étant une frontière naturelle), gagnerait à aider les pays voisins connaisseurs du dossier libyen et notamment à pousser vers l’accalmie et le retour à la négociation.

Rejet de l’intervention étrangère
L’Algérie, qui a affiché sa position en exprimant un rejet de toute intervention étrangère en Libye, détient des cartes pour jouer un rôle important dans cette crise et sa résolution. Alger n’a jamais abandonné son traditionnel rôle d’intermédiaire entre les différentes parties pour arriver à une solution à la crise. Les différents acteurs en présence le savent très bien et les fréquentes visites des responsables, notamment ceux du GNA, vont dans ce sens. Il reste indéniable qu’il ne saurait y avoir une résolution du dossier libyen sans le passage par Alger. La connaissance de la diplomatie algérienne de ce dossier et les liens avec les différentes tribus locales sont autant de clés qu’il serait judicieux d’utiliser. Les différents acteurs libyens, même si certains n’hésitent pas à exprimer une certaine « rancœur » vis-à-vis de l’Algérie, sont persuadés de la place de l’Algérie dans toute solution libyenne. La question libyenne est en tout cas prise avec la plus grande préoccupation par les autorités algériennes. Le nouveau Président de la République y a fait référence lors de son discours d’investiture et aussi du premier Conseil des ministres. Le Conseil de sécurité nationale s’était réuni d’ailleurs, avec comme principal sujet du jour la situation chez ce pays voisin, avec lequel l’Algérie partage plus de 900 km de frontière. La visite du ministre turc des Affaires étrangères Mevlut Cavusoglu, en Algérie, est également inscrite dans les tentatives de rassurer l’Algérie sur une intervention turque qui suscite certaines appréhensions. Alger et Ankara entretenant de bonnes relations, l’intervention turque en Libye pourrait trouver un terrain d’entente. En attendant l’évolution d’une situation de plus en plus menaçante. <