Au sein du Forum des chefs d’entreprise (FCE), on juge que certaines dispositions fiscales, introduites par la loi de finances 2020, encouragent l’activité informelle. « Pis encore, devant l’incivisme fiscal qui se répand de plus en plus sur le terrain, de nombreux opérateurs nationaux sont tentés de passer dans l’illégalité », avertit le président du FCE, Mohamed Samy Agli.

Ce dernier, qui s’est exprimé à l’occasion de la 4e édition des débats du FCE, qui s’est tenue hier en son siège, avec pour thème « les dispositions de la loi de finances 2020 », s’est par ailleurs montré inquiet sur la montée du marché informel. « Il crée une concurrence déloyale au point de déstabiliser les entreprises, dont de nombreuses sont depuis quelques années en difficulté en raison du ralentissement de la commande publique, dont elles dépendent en grande partie », a indiqué le président du FCE.
Et de soutenir : «Nous poussons toujours les chefs d’entreprise à adhérer à une démarche de civisme fiscal, mais nous demandons, par contre, que le système de fiscalité soit adapté à la réalité économique. » Car, selon M. Agli, « les entreprises sont en droit d’obtenir une contrepartie concrète pour les impôts et taxes qu’ils payent, notamment en matière de services et d’infrastructures ». Citant en exemple, la TAP qui alimente les communes, alors que beaucoup d’opérateurs souffrent du manque d’équipements nécessaires pour leurs activités (routes, alimentation en gaz et eau…). Toujours à propos de la TAP, le président du FCE propose qu’elle soit supprimée dans le cadre d’une loi de finances complémentaire. Et par là même, à ce que soient introduits des allègements fiscaux.
C’est d’ailleurs ce qu’ont témoigné des patrons d’entreprise lors des débats qui ont suivi les exposés donnés tour à tour par Kamel Lessouag, directeur des études auprès de la direction générale des impôts (DGI), Boubeker Sallami, président des conseillers fiscaux algériens et, enfin, Abderrahmane Benkhalfa, ex-ministre des Finances et ancien patron de l’Abef. Le premier orateur a présenté les principales mesures fiscales dans la LF 2020, non sans faire remarquer que de nombreuses dispositions abandonnées auparavant sont de retour.
« En clair, il a été décidé de retourner à d’anciens règlements », a-t-il expliqué. Le chargé d’étude auprès de la DGI s’est aussi prononcé sur la TVA appliquée aux activités exercées par les Web Marchand « qui vont connaître des rabattements conséquents à partir du 1er avril prochain », a-t-il annoncé. De son côté, Boukar a soulevé l’instabilité des textes juridiques relatifs à la fiscalité.
« L’instabilité de certains régimes fiscaux a non seulement encouragé l’illégalité mais aussi sanctionné les opérateurs. Tandis que les professions libérales en tirent largement profit puisqu’ils sont imposables à hauteur de 10% seulement, alors que dans d’autres secteurs d’activités les taux sont très élevés, rendant les marges bénéficiaires des opérateurs très minimes », a-t-il déploré. Abderahmane Benkhalfa a pour sa part tenu à faire savoir à l’auditoire que le pays a enregistré un taux de croissance des plus faibles de la décennie, puisqu’il est tombé à 1,8%. « Rendant ainsi l’équation recette et dépense des plus difficiles à résoudre dans les prochains mois. Et de révéler que « nos dépenses se sont élevées en 2019 à 7 milliards de dollars, alors que les recettes ont été de 6,5 milliards de dollars. Autrement dit, notre balance commerciale sera soumise à une pression telle que nous allons connaître une année difficile à gérer ». Devant ce scénario, l’ex-ministre a lancé : « Il est urgent d’adopter des réajustements pour que le pays puisse disposer de financement alternatif à même d’enregistrer un retour à la croissance. » Il préconise dans ce sens « de trouver de nouvelles ressources financières mais, en parallèle, de ne pas créer des dépenses supplémentaires ». Comme il s’est dit étonné que « la LF 2020 n’ait pas pris en compte les dures réalités économiques qu’a connues le pays en 2019 ». Et de révéler dans ce sens : « Le montant des transferts sociaux s’est élevé en 2019 à 1 800 milliards DA. Un niveau de dépense que la LF 2020 compte maintenir. » Concernant la fiscalité des entreprises, Boukhalfa dira que celles-ci doivent être conscientes du besoin de réduire leurs coûts de fonctionnement. C’est-à-dire, selon ce dernier, « les coûts des flux importés vont changer à la baisse ». Forçant ainsi les patrons d’entreprise à revoir à la baisse leur stratégie d’équipements.
A propos du système fiscal en vigueur, Abderrahmane Benkhalfa est d’avis à ce qu’il soit au profit des entreprises. « Mais pour ce faire, il va falloir mener un travail de fond », a-t-il avancé. Cet expert a enfin tenu à faire remarquer à l’assistance que « la LF 2020 est une loi de transition, élaborée afin d’éviter des situations ingérables, mais elle prévoit un déficit budgétaire difficile à gérer, notamment avec un faible taux de croissance ». Notons enfin que lors des débats, des patrons ont suggéré qu’il soit procédé à une refonte de la fiscalité des entreprises, car, pour eux, elle n’est pas adaptée à la réalité économique du pays.