Les cliniques privées sont dans le viseur du ministre de l’Industrie pharmaceutique. Il a réaffirmé, jeudi dernier, la poursuite de l’enquête ouverte sur le détournement des produits d’oncologies des pharmacies d’hôpitaux vers les cliniques privées.
Par Sihem Bounabi
En effet, lors d’une séance plénière de l’APN consacrée aux questions orales et présidée par Lansari Ghali, vice-président de l’APN, en présence de la ministre des Relations avec le Parlement, Basma Azouar, et de membres du Gouvernement, la problématique de la disponibilité des produits d’oncologie qui connaissent de forte tension a été abordée.
C’est en réponse à la question du député Hamza Hydra du Mouvement El Bina, qu’Ali Aoun a souligné que l’opération de numérisation des pharmacies des hôpitaux, lancée par le ministère de la Santé afin d’avoir des données précises sur les stocks disponibles de médicaments, a permis de révéler que «certains médicaments anticancéreux réceptionnés par les hôpitaux sont en rupture au niveau des services de soins d’oncologie». «Après les premières investigations, a-t-il poursuivi, il a été constaté que des cliniques privées, qui n’importent pas et ne réceptionnent pas les médicaments chez les distributeurs, disposaient des médicaments anticancéreux».
Le ministre affirme que suite aux premiers éléments de l’enquête pour connaître la provenance de ces médicaments, «nous avons découvert que les cliniques privées exigeaient des médecins qui effectuent des vacations d’apporter avec eux des médicaments et du matériel. Nous avons des preuves», a-t-il lâché. Insinuant ainsi que ces médecins détournaient des médicaments et du matériel du secteur public vers le privé. Ali Aoun a affirmé dans ce sillage que des sanctions seront prises à l’encontre de toute personne qui détourne les médicaments destinés au traitement des citoyens dans les hôpitaux publics.
Pour rappel, au mois de janvier dernier, Ali Aoun avait haussé le ton lors d’une visite de travail dans une unité de production de Saidal, réitérant ces instructions fermes aux cadres de Saidal d’arrêter de vendre des produits d’oncologie aux cliniques privées. Il avait alors annoncé l’ouverture d’une enquête sur le détournement des produits d’oncologie destinés aux hôpitaux publics vers les cliniques privées en insistant : «C’est une faute très grave et l’auteur rendra des comptes.»
Le ministre s’était ainsi publiquement indigné : «Pendant que les hôpitaux publics subissent une rupture de médicaments d’oncologie, des produits importés par l’Etat avec l’argent du Trésor public sont détournés vers les cliniques privées.»
Concernant les mesures prises par l’Etat afin de garantir les médicaments anticancéreux qui subissent actuellement de fortes tensions au niveau mondial, le ministre a rappelé le lancement de pas moins de sept projets de production de médicaments anticancéreux dont certains seront opérationnels au courant de l’année 2023.
En outre, concernant les mesures que compte prendre le ministre de l’Industrie pharmaceutique pour réduire la facture d’importation de l’insuline et des médicaments de traitement du cancer ainsi que les raisons du retard de leur production locale, il a rappelé l’entrée en service récemment de l’unité de production de stylos à insuline relevant d’un groupe étranger, avec une capacité annuelle allant jusqu’à 50 millions de stylos, en attendant l’entrée en service de deux unités de Saidal et de Biocare pour la production d’insuline.
Le ministre a indiqué que l’unité de Saidal à Constantine «entamera la production à partir de mars prochain avec une production de près de 1,5 million de bouteilles d’insuline par an destinés exclusivement aux hôpitaux, ce qui permettra à l’Algérie en 2023 et grâce à la production de ces trois unités «de couvrir 50 % des besoins nationaux en insuline».
Neuf médicaments en rupture et 10 autres sous tension
Par ailleurs, dans sa réponse à une question du député Abdeslam Bachagha (MSP) sur le nombre de médicaments en rupture, Ali Aoun a affirmé que jusqu’au 26 janvier dernier, «on a recensé à l’échelle nationale l’indisponibilité de neuf médicaments en pharmacie et une forte demande sur près de 10 autres types». Il a rappelé que «la fin 2021 a enregistré une pénurie de près de 400 médicaments», ajoutant que «la fin 2022 n’a pas connu de pénurie».
Le ministre a souligné que son département a accordé, au début de 2022, des autorisations d’importation de certains types de médicaments nécessaires en rupture sur le marché. Il veille actuellement à assurer un suivi hebdomadaire de l’évolution du marché concernant les médicaments indisponibles en pharmacie ou fortement demandés.
En outre, Ali Aoun a affirmé que les services de son ministère ont imposé, à travers le cahier des charges, la nécessité de garantir un stock stratégique suffisant pour couvrir la demande sur une durée de 6 mois en ce qui concerne la matière première pour les fabricants et les médicaments pour les distributeurs.
Il a tenu à souligner que «depuis sa création, le ministère a veillé sur la régulation de la distribution des médicaments qui a connu des perturbations en raison des pratiques exercées par certains distributeurs qui recourent au monopole, le stockage et la vente concomitante».
De ce fait, le ministère de l’Industrie pharmaceutique a mené, en 2022, une étude sur la pénurie des médicaments au marché et s’est employé à «lutter contre le monopole et le stockage pratiqués par certains distributeurs». La tutelle a lancé des campagnes d’inspection dirigées par des brigades mixtes des ministères de l’Industrie pharmaceutique et du Commerce qui se sont soldées par la fermeture de dix établissements de distribution n’ayant pas respecté la déontologie professionnelle. n