Au moment où des militants du mouvement populaire en cours s’attendaient à des mesures d’apaisement à l’aune de la main « tendue » du président de la République Abdelmadjid Tebboune, les signaux qui parviennent des cours de justice sont pour le moins difficiles à décrypter. Et pour cause, alors que des manifestants du Hirak ont bénéficié d’une réduction de peine dans des procès en appel, d’autres ont été lourdement condamnés.
En attendant une évolution positive pour la semaine qui commence, celle qui s’achève a vu en effet la « lourde » condamnation de certains activistes poursuivis en état de liberté. C’est le cas du tribunal de Mascara qui a condamné Hadj Ghermoul à une peine de 18 mois de prison ferme pour « incitation à attroupement et manifestation».
Pour rappel, Hadj Ghermoul, qui s’est opposé au 5e mandat de l’ancien président, a été déjà condamné le 7 février pour « outrage à corps constitué », à six mois de prison ferme. Une peine qu’il a purgée et est sorti de la prison le 20 juillet. Depuis sa sortie de prison, ce membre actif au sein de la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme (LADDH) n’a pas cessé de sillonner les wilayas pour participer aux manifestations.
A Constantine, c’est l’activiste et journaliste Abdelkrim Zeghileche qui a été placé sous mandat de dépôt, jeudi, par le tribunal de la même ville, suite à une plainte déposée par le wali de la capitale de l’Est. Le procès du mis en cause est prévu pour mardi prochain, a fait savoir le Comité national pour la libération des détenus (CNLD). Le 17 décembre, le procureur du tribunal de Constantine avait requis une peine d’un an de prison ferme et un million de dinars d’amende contre le même militant. Zeghileche est poursuivi « dans l’affaire de sa radio web Serbacan et atteinte à la personne du chef de l’Etat Abdelaziz Bouteflika », précise la même source. L’affaire est mise en délibéré pour le 7 janvier 2020.
Pour sa part, le parquet de Bab El Oued a condamné mardi dernier à un an de prison ferme Hichem Aïssaoui. « Ce dernier a été présenté devant le juge en comparution directe qui l’a condamné à un an de prison ferme, en l’absence d’avocats », affirme le Comité, qui indique que le mis en cause se trouve à la prison d’El Harrach.
Depuis les premières arrestations le 21 juin dernier, 27 manifestants, poursuivis pour atteinte à l’unité nationale en raison de l’exhibition du drapeau berbère, sont sortis de prison après avoir purgé la peine de six mois que leur a infligée le tribunal de Sidi M’hamed. Un premier groupe de 13 manifestants est ainsi sorti de prison lundi dernier, après avoir purgé une peine de six mois ferme alors que leur procès en appel est programmé pour le 27 janvier prochain.
Dix autres manifestants, condamnés en novembre dernier à des peines d’un an de réclusion dont six mois avec sursis pour « atteinte à l’unité nationale », ont vu leurs peines réduites en appel à 6 mois de prison dont 3 avec sursis. Neuf sont sortis le jour même de la réduction de la peine à l’exception de Samil Dechicha qui sortira demain. Les dossiers de quatre manifestants, entre porteurs de drapeau berbère, vendeur et porteurs de pin’s, arrêtés le 28 juin, qui devaient purger leur peine après six mois de prison lundi prochain, à savoir Messouci Samira, Aouissi Mustapha, Challal Amokrane et Kichou Elhadi, ont été renvoyés au 7 janvier prochain. Ces derniers, selon des avocats, redoutent une « aggravation de leur peine».
Une centaine de manifestants, arrêtés pour leur engagement dans le Hirak, demeurent encore en prison, informe le CNLD. Les concernés, ajoute le CNLD, attendent que le parquet arrête une date pour les juger.
Les « lourdes condamnations » des manifestants du Hirak, estiment des avocats de la défense des détenus d’opinion, témoignent de l’absence de « garanties d’un procès équitable consacrées par la Déclaration universelle des droits de l’homme et ratifiées par l’Algérie ».