La décision du président de la République de transférer au Premier ministre le pouvoir de nomination d’un certain nombre de cadres de l’Etat s’apparente visiblement à un début de réhabilitation de la mission du chef de gouvernement, un titre disparu dans l’architecture institutionnelle depuis novembre 2008, c’est-à-dire vers la fin du deuxième mandat de l’ancien président Bouteflika.

Le retour vers cette ancienne formule, qui confie plus de prérogatives au titulaire du poste et qui ne le réduit pas au statut de Premier ministre, semble engagé si l’on se réfère au communiqué du Conseil des ministres, le deuxième qu’a eu à présider, depuis son accession à la magistrature suprême, le président Tebboune.
« A l’effet d’assouplir les procédures de nomination aux fonctions supérieures de l’Etat et d’introduire plus de célérité dans les mouvements qui affectent les personnels de la haute fonction publique, il a été décidé de transférer le pouvoir de nomination d’un certain nombre de cadres de l’Etat au Premier ministre, et ce, dans le respect des dispositions constitutionnelles en la matière », est-il souligné dans le communiqué du Conseil des ministres.
Si l’on doit se référer aussi aux annonces faites dès son investiture, nul doute que le président Tebboune avait déjà livré une ébauche des changements qu’il compte apporter dans le chapitre lié à l’exercice du pouvoir et à la définition des prérogatives. Il a ainsi indiqué que les révisions qui toucheront la Constitution porteront sur la limitation des mandats à un seul renouvellement maximum, avec, fait nouveau, la limitation des prérogatives du président de la République. Cette Constitution «évitera à l’Algérie de tomber dans l’exercice individuel du pouvoir et garantira une séparation et un équilibre entre les pouvoirs», avait-il souligné. Cette Constitution «désignera les personnes qui auront l’immunité, sans en octroyer aux corrompus contre les poursuites judiciaires», a-t-il noté, tout en ajoutant que «la nouvelle Constitution garantira également les droits communs et les droits de l’Homme et la liberté de la presse et de manifestation». Cette ébauche allait être davantage déclinée à l’occasion de l’installation d’un comité d’experts, chargé de formuler des propositions pour une révision constitutionnelle et dont la direction a été confiée à Ahmed Laraba.
Dans une lettre qui a accompagné cette désignation, le Président de la République a défini les principaux axes de propositions et recommandations autour desquels le Comité doit mener sa réflexion. C’est ainsi que le troisième axe du projet de révision évoque la consolidation de la séparation et de l’équilibre des pouvoirs. Il s’agira particulièrement, selon les recommandations de Tebboune, « de promouvoir l’action politique dans sa principale fonction d’impulsion et d’animation de la vie publique, dans le respect des règles démocratiques fondées sur les principes d’alternance au pouvoir et de promotion du pluralisme politique». Mais plus que cela, il s’agira d’assurer « un fonctionnement harmonieux des pouvoirs par la redistribution des pouvoirs au sein de l’Exécutif et la mise en place de contre-pouvoirs efficaces destinés à éviter toute dérive autocratique».
En définitive, la répartition des prérogatives est appelée vraisemblablement à connaître un changement significatif en rupture avec celle d’Abdelaziz Bouteflika qui a concentré tous les pouvoirs de décision. Une rupture qui peut être concrétisée dans la future loi fondamentale attendue dans les prochains mois.n