Le gouvernement Djerad, attendu depuis la nomination de ce dernier au poste de Premier ministre, sitôt nommé par le président de la République sur fond de satisfaction partielle des uns et la désapprobation des autres, est appelé à faire face à une crise multidimensionnelle que traverse le pays.
Indicateur de l’existence de multiples urgences, le gouvernement d’Abdelaziz Djerad entrera dans le vif du sujet à partir de demain, dimanche, selon l’annonce faite jeudi par le ministre conseiller à la Communication, porte-parole officiel de la présidence de la République, Belaïd Mohand Oussaïd.
« Le nouveau gouvernement entamera son action par l’élaboration de son plan d’action, lequel sera présenté à nouveau au Conseil des ministres pour adoption avant sa présentation au Parlement », a déclaré le porte-parole officiel de la présidence de la République juste après avoir révélé la composante du gouvernement.
Ce dernier ajoutera, par la même occasion, que « cette nouvelle composition se veut le lancement du changement économique en Algérie, conformément aux promesses faites par le Président de la République durant sa campagne électorale et affirmées dans son discours à la Nation lors de la prestation de serment ».
S’agissant justement de la composante, souhaitée, celle du changement et du passage vers une nouvelle ère, elle représente, à bien des égards, un alliage entre la reconduction de certains noms de l’ancien gouvernement et l’introduction de nouvelles figures loin des appareils politiques où sont traditionnellement puisés les membres de l’Exécutif.
Le contexte politique, marqué par le mouvement populaire pour le changement, n’est pas étranger à ce nouveau casting qui a ouvert la voie à d’autres profils. Cela étant, le duo Tebboune-Djerad a opté pour la stabilité en ce qui concerne les ministères régaliens, où seul celui des Finances a changé de titulaire avec la nomination-retour d’Abderahmane Raouya qui succède à Mohamed Loukal. Ce changement à la tête du ministère des Finances serait justifié, selon des indiscrétions, par la volonté de « réhabiliter » Raouya qui aurait été mis à l’écart à cause de ses divergences d’approches avec l’ancien chef de gouvernement, Ahmed Ouyahia, notamment sur la question de la révision des subventions publiques. C’est, en effet, au mois de juillet 2018 qu’Ouyahia démentait, via sa formation politique, le RND, toute intention du gouvernement à lever les subventions de l’Etat pour certains produits, une révision annoncée par Raouya, donnant ainsi l’image d’un Exécutif à deux vitesses.
Le reste des ministères régaliens n’a connu, en effet, aucun changement, ce qui n’a pas manqué de susciter des critiques. C’est ainsi que Kamel Beldjoud a été maintenu au département de l’Intérieur après avoir été nommé à ce poste à titre intérimaire, le jour même de l’investiture du président Tebboune, en remplacement de Salaheddine Dahmoune, limogé suite à sa dérive verbale contre les partisans du Hirak et ceux opposés à la tenue de la présidentielle. Idem pour Mohamed Arkab, qui garde son poste de ministre de l’Energie, un secteur qui se cherche une stabilité managériale pour tenir son rôle névralgique dans l’économie nationale. Au ministère des Affaires étrangères, c’est Sabri Boukadoum qui a bénéficié de la confiance du Président et du Premier ministre, après avoir eu à assurer la gestion des affaires courantes du gouvernement suite à la fin de mission signifiée par M. Tebboune à M. Bedoui. M. Boukadoum s’installe ainsi à la tête de ce ministère au moment où l’Algérie est appelée à réussir son redéploiement diplomatique à l’échelle régionale et internationale, mais aussi au moment où la diplomatie algérienne se trouve bousculée par les velléités d’intervention militaire turque en Libye et ses conséquences lourdes sur l’Algérie.
Autre reconduction, celle de Belkacem Zeghmati, ministre de la Justice, garde des Sceaux, dont le nom se confond avec l’emballement que connaît le secteur depuis sa désignation à ce poste, fin juillet 2019, en remplacement de Brahmi, remercié après quatre mois seulement dans l’ancien gouvernement de Bedoui. Même si ce chambardement ne semble pas avoir convaincu certaines parties du secteur, particulièrement les avocats et des magistrats, c’est visiblement la continuité qui est privilégiée à la tête d’un appareil judiciaire dans tous ses états, comme l’atteste la série de libérations des détenus d’opinion et autres enregistrée depuis mardi dernier et les questions qu’elle charrie avec une telle accélération.
Plus de vice-ministre de la Défense
L’Exécutif de Djerad est, cependant, porteur d’une nouveauté très significative, annonçant la disparition du poste de vice-ministre de la Défense nationale, poste occupé jusqu’au 23 décembre dernier par le défunt Ahmed Gaïd Salah et remplacé à titre intérimaire par Saïd Chengriha, son successeur également à la tête de l’état-major de l’ANP.
Ainsi et depuis jeudi 2 janvier 2020, le poste de vice-ministre de la Défense nationale n’existe plus dans l’architecture du gouvernement, un changement qui intervient dans un contexte très particulier où la place de l’institution militaire dans le jeu politique est fortement évoquée. Des courants politiques de l’opposition réclament, en effet, dans le sillage du mouvement populaire, que la mission de l’ANP soit celle définie par la loi fondamentale, une revendication portée également par les manifestants du mouvement populaire qui scandent et plaident pour « un Etat civil et pas militaire».
En tout état de cause, cette nouveauté est tellement significative qu’elle a généré des questions. Y a-t-il un message que veut distiller le président de la République à travers cette suppression ? Y aurait-il une volonté de mettre l’institution militaire loin du politique ? Y aurait-il un lien entre le changement survenu à la tête de l’état-major de l’Armée et la suppression du poste de vice-ministre de la Défense nationale ? Autant de questions que se posent les Algériens.
Changements à l’Education, l’Université, la Santé et la Culture
Le gouvernement Djerad a vu l’arrivée de nouveaux noms pour certains départements dont la gestion est scrutée et observée pas uniquement par ceux qui y appartiennent, mais par l’ensemble de l’opinion. C’est le cas de l’Education nationale, désormais confiée à Mohamed Ouadjaout, polytechnicien de formation, qui succède à Abdelhakim Belabed, dont la gestion ne faisait pas l’unanimité au sein des enseignants et des organisations syndicales. L’Enseignement supérieur et la Recherche scientifique seront gérés par le professeur Chems-Eddine Chitour, un enseignant au long parcours universitaire qui n’a cessé, depuis des années, à plaider pour la réhabilitation de la science et du savoir dans une université algérienne qui bat de l’aile. Il succède dans ce poste à Tayeb Bouzid qui a emporté, l’espace de quelques mois de règne, l’université dans des considérations plutôt populistes que scientifiques. Le secteur de la Santé, malade d’une gestion toujours approximative, change aussi de mains pour se voir diriger désormais par Abderrahmane Benbouzid. Le département de la Culture change, lui aussi, de mains avec la nomination de Malika Bendouda, enseignante à l’université, appelée à tourner la page d’une gestion désastreuse du secteur, géré depuis le drame du stade 20-Août-1955 par l’ancien porte-parole du gouvernement, Hassan Rabehi, après le limogeage de la ministre Merdaci. Le changement a touché également le secteur de la Communication, confié à Ammar Belhimer, journaliste-chroniqueur et enseignant à la faculté de droit de l’université d’Alger. M. Belhimer hérite aussi du titre de porte-parole du gouvernement, dans ce qui s’apparente à un prélude à un nouveau mode dans la communication officielle, d’autant plus que même la présidence de la République s’est dotée, elle aussi, d’un ministre conseiller à la Communication, porte-parole officiel.
Des nouveautés ont concerné, par ailleurs, d’autres secteurs, à l’image de l’Industrie et les Mines confiées à l’universitaire Ferhat Aït Ali, alors que pour celui du Commerce, c’est Kamel Rezig qui a été désigné. Brahim Boumzar arrive, pour sa part, au ministère de la Poste et des Télécommunications, tandis que Sid-Ali Khaldi est nommé ministre de la Jeunesse et des Sports, alors que Kaoutar Krikou, hérite du ministère de la Solidarité nationale, de la Famille et de la Condition de la femme. Au poste de ministre de l’Habitat, de l’Urbanisme et de la Ville, c’est Kamel Nasri, jusque-là directeur du logement au ministère, qui a été nommé au moment où Farouk Chiali enregistre son come-back à la tête des Travaux publics. Idem pour Sid-Ahmed Ferroukhi, qui revient au ministère de la Pêche et des Productions halieutiques au moment où Chérif Omari a été maintenu au poste de ministre de l’Agriculture et du Développement rural. Hacène Mermouri, qui a mené la campagne au côté du candidat Tebboune, retrouve, lui, le poste de ministre du Tourisme, de l’Artisanat et du Travail familial. Le gouvernement compte désormais le ministre de la Micro-entreprise, des start-up et de l’économie de la connaissance en la personne de Yassine Djeridene, qui était directeur du Centre de développement des technologies avancées, dont la nomination est considérée comme signal fort pour la jeunesse.
Il y a eu, en outre, la nomination de ministres délégués. Parmi eux, Bachir Messaitfa, ministre délégué chargé des Statistiques et de la Prospective, Foued Chehat, ministre délégué chargé de l’Agriculture saharienne et des Montagnes, Aïssa Bekkai, ministre délégué chargé du Commerce extérieur et Abderrahmane Lotfi Djamel Benbahmad, ministre délégué chargé de l’Industrie pharmaceutique.