Le consultant international en économie, Abderrahmane Mebtoul, a réagi à la dernière déclaration du ministre des Finances, Aymen Benabderrahmane, relative à l’inflation qui serait maîtrisée en Algérie et à la monnaie nationale qui ne serait pas en cours d’effondrement. «Le ministre a dit que le cours du dinar s’appréciera fin 2021 ! Il existe une contradiction dans cette récente déclaration, puisque le gouvernement projetait, dans le cadre du projet de la loi des Finances 2021, non pas une amélioration de la cotation du dinar, mais une amplification de sa dévaluation entre 2021-2023 !», remarque-t-il. Ce qui ne suppose pas, selon lui, une amélioration de la situation socio-économique. «Pour 2023, le PLF 2021 prévoit environ 185 dinars pour un euro et 156 dinars pour un dollar. En prenant en compte l’écart de 50% par rapport au marché parallèle, nous aurons environ 300 dinars pour un euro, alors que les frontières sont toujours fermées et sous réserve de la maîtrise de l’inflation, sinon l’écart serait plus important», estime-t-il. Rappelant qu’en 2020, la cotation était de 128,31 dinars pour un dollar et 161,85 dinars pour un euro et que la cotation du dinar officiel au 14 mars 2021 est de 159,58 dinars pour un euro et 133, 57 dinars pour un dollar, l’expert se demande comment une réévaluation de la monnaie nationale sera possible, alors que nos réserves de change sont à 42 milliards de dollars. «Le ministre des Finances avait prévu plus de 44,2 milliards de dollars de réserves de change, alors qu’à la fin 2021, les réserves de change seraient de 20 milliards de dollars. Qu’en sera-t-il en 2022 si le cours du pétrole stagne entre 55/65 dollar ? En cas de baisse drastique des réserves de change à 10/12 milliards de dollars, qui tiennent la cotation du dinar algérien à plus de 70%, la Banque d’Algérie sera contrainte de dévaluer le dinar officiel à environ 200/220 dinars pour un euro avec une envolée du cours sur le marché parallèle qui fluctue en fonction du taux d’inflation d’environ 300 dinars pour un euro minimum, surtout en cas d’ouverture des frontières», explique-t-il. Le ministre, par ailleurs, poursuit-il, annonce la relance économique comme facteur d’appréciation du dinar. «Ce qui est juste en soi, mais en théorie. Comment peut-on relancer l’économie actuellement en berne pour des raisons internes et externes ? Le dernier rapport de janvier 2021 de la CNUED, signale une baisse substantielle des IDE, notamment vers le Maghreb et l’Afrique. On ne peut déclarer une appréciation du dinar comme seul indicateur macro financier et économique en 2021», dit-il. La valeur d’une monnaie, rappelle-t-il, s’établit en fonction de la production et de la productivité locales et à la capacité de pénétrer les marchés extérieurs. Cela suppose des entreprises publiques et privées compétitives en termes de coût/qualité. «Mais en 2020/2021, 98% des recettes en devises avec les dérivées dépendent des hydrocarbures et cela restera ainsi pour longtemps encore», prévient-il.
Pour ce qui est de la maitrise de l’inflation annoncée par le ministre, il dira que les ménages auront des choses à dire à ce propos. «Il suffit d’aller faire un tour aux marchés pour constater l’explosion des prix de la majorité des produits. S’agissant d’un problème aussi complexe que celui de l’inflation, il me semble utile de rappeler qu’il faut tenir compte de la structure et des particularités de l’économie à laquelle il s’applique, des aspects structurels de l’économie internationale, de l’économie interne résultant de l’option de la stratégie de développement économique, ainsi que des schémas de consommation générés en son sein pour des raisons historiques, des influences socioculturelles ainsi que des différentes forces sociales pour s’approprier une fraction du revenu national», souligne-t-il, avertissant que l’indice global de l’inflation doit être régulièrement réactualisé, mais que celui de l’Algérie ne l’a pas été depuis 2011. Il conclura en affirmant que la maîtrise de l’inflation et l’appréciation de la cotation du dinar, via le niveau des réserves de change, dépend fondamentalement des profondes réformes afin de dynamiser l’appareil productif, qui mettront du temps à se réaliser, entre 2021/2022 ainsi que de l’évolution du cours des hydrocarbures.