Professeur de sociologie à l’université Oran 2, et chercheur associé au Groupe de recherche en anthropologie de la santé (GRAS), Unité de recherche en sciences sociales et santé, Mohamed Mebtoul a animé, avant-hier, au Centre de la documentation économique et sociale d’Oran une conférence-débat autour de son dernier ouvrage, paru aux éditions Koukou, traitant du mouvement populaire sous le titre « Libertés, dignité, algérianité, avant et pendant le Hirak ».

Par Omar Aouab
Modéré par le journaliste Adnane Hadj Mouri, l’auteur a axé son intervention sur des thèmes qui ont souvent suscité la controverse et les clivages – liberté, dignité, citoyenneté – particulièrement dans ce contexte politique qui a vu se poser dans l’espace public toutes les questions restées jusque-là l’apanage de milieux élitistes.
L’universitaire a abordé plus d’une facette du mouvement, du port du drapeau aux significations des mots d’ordre, en passant par les inquiétudes, les polémiques ou les interrogations, rien n’est laissé sans observation. Dans son introduction, l’universitaire a expliqué pourquoi ce livre en ce moment précis, relevant que c’est un ouvrage qui aborde notre quotidien et ce quotidien ne peut pas attendre. Une démarche par ailleurs suivie par d’autres auteurs qui ont publié des ouvrages sur le Hirak.
Le conférencier a noté, à cet égard, que l’une des motivations qui l’ont poussé à produire ce livre est le constat d’un rêve irrésistible de changement, dont ont fait preuve des pans importants de la société.
Après avoir fait part à l’assistance de son inquiétude, quant à la situation des libertés publiques et individuelles dans le pays, le conférencier a relevé que son travail est basé sur des données recueillies sur le terrain, privilégiant une approche anthropologique articulée autour de l’observation comme technique d’analyse. Il a expliqué, par la même occasion, avoir fait le plein de matériaux à travers sa présence sur le terrain chaque vendredi et chaque mardi, depuis le 22 février 2019 jusqu’au 2 septembre, date de la signature du manuscrit et son passage à l’impression.
M. Mebtoul est revenu, lors de cette conférence, sur la répartition chronologique par laquelle il a procédé pour une juste appréciation du mouvement et son impact, mais aussi pour offrir une meilleure visibilité aux lecteurs. C’est ainsi que l’anthropologue fera remarquer qu’avant le Hirak, c’était la prédominance de l’incivisme et de la violence du politique à travers notamment la falsification de l’histoire, le pouvoir des uns et la marginalité des autres… Une réalité qui va changer dès l’avènement du mouvement populaire où l’on assiste, remarque l’auteur du livre, à un désir de dignité, de liberté et de citoyenneté. Le conférencier a souligné que le mouvement a mis en opposition des valeurs et des pratiques, citoyens contre clientèles, désir de changement contre volonté de stagnation, éthique contre corruption, révolte contre résignation.
Avant cet ouvrage, M. Mebtoul a écrit un essai intitulé « Algérie, la citoyenneté impossible » dans lequel il dresse les tares d’un « système politique qui a perverti l’action citoyenne par le clientélisme et l’allégeance, critères centraux pour arracher des statuts enviés dans la société ». Pour le sociologue, il ne fait point de doute qu’il y a « primauté de la violence de l’argent sur la légitimité du mérite et des savoirs », ce qui a accentué la crise pour aboutir à « un champ politique en carton-pâte, système de santé agonisant, jeunesse en marge, université réduite à ‘faire du chiffre’ ».
Relevant que « le système politique a produit des militants carriéristes, davantage préoccupés par les luttes d’appareils, soucieux avant tout de défendre leurs intérêts personnels », l’auteur a relevé dans cet ouvrage que ces militants demeurent « incapables de se remettre en question, porteurs de certitudes et de dogmes répétés sans convictions… ».