Par Hakim Ould Mohamed
Après les projections de la Banque africaine de développement (BAD), publiées la semaine dernière avec, comme principales recommandation, l’impératif d’accélérer, sans délai, la diversification de l’économie en privilégiant les secteurs à fort potentiel de croissance, la Banque mondiale est venue emboiter le pas à cette institution africaine, appelant, à son tour, à renforcer la résilience de l’économie algérienne en mettant en place des réformes favorisant la croissance. Les deux institutions ont conclu que l’amélioration constatée sur la courbe budgétaire et celle des comptes extérieurs s’explique essentiellement par l’envolée des cours des matières premières énergétiques sur les marchés mondiaux. Ce qui signifie que la reprise devrait rester fragile, en attendant le retour de croissance dans les secteurs hors hydrocarbures. Mais surtout la mise en œuvre du programme de réformes maintes fois promise. Dans la dernière édition du Rapport de suivi de la situation économique en Algérie, la Banque mondiale s’attend à ce que le segment hors-hydrocarbures de l’économie retrouve son niveau pré-pandémie en 2022, et les soldes extérieurs et budgétaires devraient également afficher une nette amélioration cette année. L’année dernière, la croissance du PIB a été soutenu quasi exclusivement par l’augmentation de la production et des exportations d’hydrocarbures. Le secteur pétrolier et gazier ainsi que celui des services ont été les principaux moteurs de la croissance économique durant le précédent exercice, à en croire la Banque mondiale. Les autres secteurs hors hydrocarbures ont connu soit une baisse de l’activité, à l’image de l’Agriculture, soit une reprise incomplète, à l’instar du secteur manufacturier public. Cette situation s’est traduite par un retard dans la création d’emplois ; l’institution de Bretton Woods faisant constater que «le nombre de demandeurs d’emploi inscrits était nettement supérieur à celui enregistré avant la pandémie». «Le PIB hors-hydrocarbures est resté inférieur de 1,6 % à son niveau de 2019, et l’inflation a continué d’augmenter, en partie en raison de facteurs à l’échelle internationale. Les autorités ont réagi en mettant en œuvre un ensemble de mesures destinées à limiter l’impact de la hausse des prix sur le pouvoir d’achat des ménages, dont notamment l’introduction d’une allocation chômage pour les personnes à la recherche d’un premier emploi», souligne la Banque mondiale.
Favoriser la croissance
Cette institution constate que la hausse continue à l’échelle mondiale des prix des hydrocarbures a permis de compenser l’augmentation de certaines importations, notamment les céréales, et de résorber le déficit du compte courant, permettant une stabilisation relative des réserves de change. Outre la résorption du déficit du compte courant, le déficit budgétaire global a baissé de 12 à 7,2 % du PIB en 2021, à la faveur principalement des recettes issues de l’exportation des hydrocarbures, qui ont augmenté de 36%, selon la Banque mondiale. Ces deux déficits jumeaux ont connu ces dernières années des déficits abyssaux, en raison de la chute des cours pétroliers mondiaux et un niveau de dépenses élevé rapporté au niveau des exportations. La hausse des cours du pétrole et du gaz sur les marchés mondiaux est à l’origine directe de cette inversion de la tendance, ce qui fait que l’économie algérienne reste confrontée aux mêmes défis, à savoir l’impératif d’une diversification des sources en devises, la nécessité de reprendre les réformes et l’assainissement des finances publiques… Jesko Hentschel, directeur des opérations de la Banque mondiale pour le Maghreb, fait bien de souligner, d’ailleurs, que «malgré le rebond de l’économie algérienne, des défis subsistent, qui sont en outre aggravés par la forte volatilité des prix du pétrole et une dynamique économique mondiale incertaine». «À l’avenir, la poursuite des efforts de réforme visant à stimuler l’activité du secteur privé sera essentielle pour stimuler une croissance inclusive et créer des emplois», soutient le responsable de l’institution de Bretton Woods. Pour cette année, cette institution prévoit que la reprise économique de l’Algérie se poursuive en 2022, notamment grâce au rétablissement du segment hors-hydrocarbures de l’économie à son niveau d’activité pré-pandémie. «Les exportations d’hydrocarbures devraient également se maintenir à un niveau élevé, générant un surplus du compte courant et une hausse marquée des recettes budgétaires», soutient l’Institution. Toutefois, avertit-elle, «la baisse des prix et des volumes des exportations d’hydrocarbures anticipée pour 2023-2024, dans un contexte d’incertitude quant à l’évolution de l’économie mondiale, pourrait entraîner une détérioration graduelle des équilibres extérieurs et budgétaires». Le rapport rappelle enfin que l’inflation est une préoccupation croissante en Algérie, comme ailleurs. «Des politiques budgétaires et monétaires prudentes, ainsi que des réformes favorisant la concurrence, contribueront à limiter les pressions inflationnistes et à soutenir une croissance plus inclusive et plus durable», conclut la Banque mondiale. n