Le nouveau gouvernement semble accorder une place importante au secteur de la Culture, avec une composition jusque-là inédite à laquelle s’ajoute au classique poste de ministre deux Secrétariats d’Etat, chargés de la « production culturelle » et de « l’industrie cinématographique », trois postes respectivement attribués à Malika Bendouda, Salim Dada et Bachir Youcef Sehairi.

En effet, Malika Bendouda a été nommé ministre de la Culture et devient la 4e femme à être désignée à ce poste depuis quinze ans. Toutefois, la grande nouveauté de cette nomination est que c’est pour la première fois que le ministère est doté de deux postes ministériels : un secrétariat d’Etat chargé de l’Industrie cinématographique confié à Bachir Sehaidi ainsi qu’un secrétariat d’Etat chargé de la production culturelle confié au musicien compositeur, chef d’orchestre, chercheur universitaire et président du Conseil national des arts et des lettres Salim Dada.
La nouvelle ministre de la Culture, Malika Bendouda, enseignante-chercheure à l’Université d’Alger, est spécialiste de l’œuvre de Hannah Arendt en Algérie. Membre d’une recherche collective au CRACS sur les femmes et les projets de vie. Elle est aussi membre du réseau international des femmes philosophes de l’Unesco. En plus d’être auteure de plusieurs publications universitaire, la ministre de la Culture a également animé l’une des rares émissions télévisuelles consacrées à la philosophie et à son ancrage dans la société algérienne, «Philotalk», et dont plusieurs numéros ont été consacrés à la culture et à la place de l’intellectuel dans la société algérienne .
Avec cette composition inédite, les autorités algériennes semblent ainsi donner une grande importance au secteur de la culture, en misant sur des compétences universitaires, avec l’ambition d’impulser une nouvelle dynamique à un secteur moribond, avec plusieurs chantiers qui sont en jachères.
Les premières réactions, recueillies hier auprès des directeurs de deux agences du secteur, l’Agence algérienne pour le rayonnement culturel (AARC) et la Cinémathèque algérienne, laissent apparaître une certaine satisfaction et de l’optimisme quant à la prise de conscience de l’importance de la culture et de ses besoins, mais aussi beaucoup d’attentes, tant la tâche s’annonce ardue après plusieurs années de contraintes budgétaires.
En ce sens, Abdelkader Bendamèche, à la tête de l’AARC, depuis le mois de mars dernier, nous a précisé hier que cette « composition » mettant en scène trois personnalités en charge de la culture, était « une idée, un concept qui peut être bénéfique. Il faut spécialiser les actions, c’est peut-être l’une des choses qui nous a manqué ces 20 ou 30 dernières années ».
Abdelkader Bendamèche précise, par ailleurs, à propos de la problématique des montants des futurs budgets qui seront accordés au secteur de
la culture que « le budget n’est, à mon sens, pas le principal problème », soulignant néanmoins qu’« aujourd’hui, nous avons les bonnes personnes. Ce qui est nécessaire est peut-être de rééquilibrer les dépenses et les attributions qui existent déjà».
Le directeur de l’AARC souhaite notamment que « le travail soit réalisé rapidement et que nous parvenions à concrétiser au maximum les promesses du Président de la République. Nous devons investir sur la jeunesse, cette frange de la population est notre avenir ». Il ajoute à propos de sa vision concernant le rôle présent et futur de l’AARC que « l’Agence conserve sa mission parmi les institutions culturelles du pays. Nous jouerons notre rôle comme cela a toujours été le cas. Et personnellement, depuis mon arrivée, j’ai tenté d’orienter l’action de l’AARC vers l’Algérie, vers notre patrimoine national, en diminuant, un peu l’aspect international de notre mission. C’est un choix, une volonté de répondre aux priorités de la société algérienne ».
Quant à la question du cinéma, qui apparaît, aujourd’hui, en tête des priorités du gouvernement avec la nomination d’un « Secrétaire d’Etat chargé de l’industrie cinématographique », il est néanmoins à rappeler que cette « industrie » et au-delà, tout le secteur du cinéma, souffre depuis plusieurs décennies d’un manque de salles, de défaillance en termes de distribution et d’exploitation des films, mais aussi de budgets de production insuffisants ayant conduit à de nombreux retards. A ce sujet, Salim Aggar, directeur de la Cinémathèque algérienne, déclare que « ces trois nominations sont une très bonne nouvelle, le signe que l’on accorde de l’importance au secteur de la culture, et tout particulièrement au cinéma ». Il explique, également
qu’« aujourd’hui, il est clair que l’on veut créer une véritable industrie du cinéma, ce qui n’était pas forcément le cas auparavant. Maintenant, il faut travailler, créer les conditions qui favoriseront l’éclosion de cette industrie. Nos voisins le Maroc et la Tunisie l’ont fait, ils ont acquis toute une expérience dans le domaine cinématographique ». Précisant qu’«en Algérie, nous avons déjà une certaine production, mais il nous manque un réseau de salles, un système de distribution ou encore des studios capables d’accueillir des tournages avec des professionnels étrangers, par exemple ».
Sur la question des budgets et de l’implication du secteur, deux aspects essentiels à toute production cinématographique, Salim Aggar estime qu’« il est important que l’on revoie les budgets à la hausse à condition que les investissements se fassent dans des secteurs rentables. Il n’est plus question de réitérer les politiques du début des années 2000 ».