Dans une conférence de presse à La Havane, mercredi 19 octobre 2022, le ministre des Affaires étrangères cubain Bruno Rodriguez Parrilla a indiqué que son pays présentera les 2 et 3 novembre prochains, et pour la trentième fois, une résolution à l’Assemblée générale des Nations Unies exigeant la fin du blocus des Etats-Unis et de sa politique « inhumaine » à l’égard de l’ile.

Par Lyes Sakhi
Présentant aux médias nationaux et étrangers accrédités à La Havane le rapport le plus récent sur les effets du blocus américain contre Cuba, Bruno Rodríguez Parrilla a dénoncé les dommages causés à l’économie cubaine par le blocus américain. « D’août 2021 à février 2022, les pertes causées par le blocus se sont chiffrées à 3 806 000 000 de dollars. C’est là un record historique pour une période d’à peine sept mois ! », a-t-il déclaré. « Sans ces mesures, selon des calculs visant au plus bas, notre Produit intérieur brut aurait pu, malgré les circonstances défavorables, enregistrer une croissance de 4,5 % durant cette même période », a-t-il ajouté.
« Durant les quatorze premiers mois de l’administration Biden, les préjudices et les dommages causés par le blocus se sont chiffrés à 6 364 000 000 de dollars, là aussi un record. Soit plus de 454 millions de dollars par mois, ou plus de 15 millions de dollars par jour ! », a-t-il poursuivi.
« En soixante ans, à prix courant, les préjudices se sont montés au total à 154 217 000 000 de dollars. Un montant exorbitant pour une économie aussi petite que la nôtre( …) Comparées à la valeur de l’or, ces pertes, compte tenu de la dépréciation de cet étalon, se chiffrent à un total énorme de 1 391 111 000 000 de dollars ! Autrement dit, un billion de dollars, qui équivaut à un million de millions, plus 391 milliards de dollars ! Imaginez ce que Cuba aurait pu faire si elle avait disposé de ces ressources. Imaginez ce qu’elle serait aujourd’hui si elle avait disposé d’une telle masse de ressources ! », a dénoncé le ministre des Affaires étrangères cubains.
Selon Bruno Rodriguez Parilla, « le blocus en soi n’a pas changé ; ce qui a changé, c’est qu’il a été chirurgicalement mieux conçu, qu’il vise chacun des principaux revenus de notre pays, qu’’il cherche avec hargne à frapper la vie quotidienne » de la population cubaine. « Son objectif, en fait, n’est pas nouveau, il est celui que prônait dès avril 1960 le sous-secrétaire d’État Lester Mallory, à savoir déprimer les salaires réels et nominaux, provoquer de la faim, semer le désespoir de la population afin que celle-ci renverser le gouvernement révolutionnaire », a-t-il affirmé.
« En 1996, a expliqué le chef de la diplomatie cubaine, la Loi Helms-Burton a mieux codifié cette politique. Et l’administration républicaine de Trump, à son tour, s’est lancée dans une politique de pression maximale, appliquant plus de deux cents sanctions de son cru, à la recherche de ce même objectif cruel », a dit le ministre cubain des Affaires étrangères ». Il a souligné que « l’intensification du blocus comprend des mesures très agressives imposées sous l’administration Donald Trump et qui, pour la plupart, sont toujours en vigueur dans le prolongement de la politique américaine de pression maximale contre l’île ». Parmi ces mesures, il a cité les poursuites intentées en vertu du titre III de la loi Helms-Burton, et la « persécution » des entreprises, des navires et des compagnies maritimes qui envoient du carburant au pays ».

Des missions diplomatiques privées de services bancaires
« De janvier 2021 à février 2022, les banques étrangères ont adopté 642 mesures directes contre nous, refusant de nous prêter service, à cause des menaces du système financier étasunienne. 642 mesures en un laps de temps si bref ! Ce sont là de la part des USA des mesures unilatérales, coercitives, illégales par rapport au droit international, et aussi par rapport aux lois nationales des différents pays. Ce sont des mesures qui violent les normes du système financier international acceptées universellement. Des dizaines de missions diplomatiques cubaines ne disposent plus aujourd’hui de services bancaires », a-t-il déploré.
L’inclusion arbitraire et injustifiée de Cuba sur la liste unilatérale du Département d’État des États-Unis des États qui soutiennent le terrorisme est l’un des éléments de la stratégie américaine visant à isoler Cuba et à provoquer son effondrement économique, a encore déclaré Bruno Rodriguez Parilla. Il a souligné que le durcissement du blocus s’est accompagné d’une augmentation « sans précédent » des agressions politiques, médiatiques et de communication, « financées par des fonds fédéraux du budget américain ». Le Ministre cubain des affaires étrangères a soutenu que « ces pratiques, contraires au principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des États », visent à « fabriquer une opposition politique et à générer le désordre et l’instabilité à Cuba ». Elles visent également à « briser l’ordre constitutionnel et le consensus social, à encourager la migration irrégulière et à affecter les conditions de tranquillité et de sécurité citoyenne dans lesquelles vit le peuple cubain », a-t-il ajouté.
Concernant les mesures sur Cuba annoncées le 16 mai par le gouvernement de Joseph Biden en matière de visas, de migration régulière, de vols américains vers le pays et de transferts de fonds, le ministre des Affaires étrangères a réitéré qu’elles sont un pas dans la bonne direction, mais qui ont un caractère très limité. Les actions annoncées par Biden ne font pas référence aux aspects les plus dommageables du blocus ni n’annulent les mesures les plus agressives imposées contre Cuba par le gouvernement de Donald Trump, puisque, par exemple, l’interdiction du commerce bilatéral régulier n’est pas modifiée et la celui qui pèse sur les importations en provenance des pays tiers de biens contenant plus de 10% de composants américains, a-t-il expliqué.
Pour les citoyens américains, l’interdiction de voyager à Cuba persiste, a-t-il dit, et a rappelé qu’il n’est possible de le faire qu’à travers des licences établies dans le cadre réglementaire du blocus, avec de nombreuses restrictions. Les mesures n’autorisent pas non plus les voyages éducatifs individuels « de personnes à personnes », une limitation importante qui nécessite de voyager en groupe et sous l’égide d’une organisation américaine. Le ministre des Affaires étrangères a souligné que le gouvernement américain présente ces règlements administratifs comme un « soutien au peuple cubain », mais le comportement » hostile et démagogique de l’administration actuelle contredit tout intérêt réel à reprendre le chemin entamé sous la présidence de Barack Obama, qui ont permis des avancées notables dans les relations bilatérales ». n