Par Feriel Nourine
C’est un été bien particulier que les Algériens sont en train de vivre cette année. Qu’ils endurent plutôt, sachant que la particularité à laquelle il est fait allusion réside dans cette douloureuse épreuve nationale à plusieurs déclinaisons que le citoyen est en train de vivre depuis quelques semaines à travers l’ensemble du pays.
Entre situation épidémique marquée par une inquiétante ascension de la covid-19, stress hydrique et pénurie d’eau, incendies, actes de violences exécutés par des hordes de voyous contre des personnes et des biens, chômage en hausse et pouvoir d’achat en nette régression, le commun des Algériens a fini par être désarmé et ne sait plus à quelle autorité se vouer ni dans quel arsenal de ripostes il doit puiser pour faire face à cette masse de coups durs, sinon d’offenses dans certains cas, qu’il subit de partout.
Si la flambée du nombre de contaminations au coronavirus et les décès en hausse, sous couvert du variant Delta, ont plongé les familles algériennes dans un deuil collectif insoutenable, la saturation des hôpitaux et la gestion catastrophique du dossier de l’oxygène médical auront été une raison supplémentaire pour renforcer les craintes, l’inquiétude, mais aussi le doute chez les gens. Lesquels sentiments pesants qui s’ajoutent à l’angoisse induite par les longues heures de confinement en pleine période estivale ou encore au stress que fait monter la vigilance à devoir mettre au-devant dans des lieux publics où les gestes barrières ne sont pas toujours respectés, lorsqu’ils ne sont pas carrément piétinés.
Pendant ce temps, l’eau se fait de plus en plus désirée dans les robinets, et sa disparition dure plusieurs jours dans de nombreux foyers où son rang de matière vitale avérée s’est pourtant renforcé de la réputation d’être le rempart number one dans la prévention contre le virus.
Dans le cas de la capitale, les responsables concernés ne semblent pas, pour autant, se soucier réellement de cette situation. Sinon comment expliquer le non-respect, au moins, du programme d’alimentation au compte-goutte qu’ils ont pourtant eux-mêmes dégagé. Si les journées d’une grande partie des Algérois sont vécues dans une canicule qui ne trouve pas d’eau pour être gérée, les nuits sont aussi celles du doute à attendre le sifflement du robinet.
Deux épreuves d’un même supplice que les hordes de charognards n’hésitent pas à pas à convertir en opportunités de gains supplémentaires et d’amélioration de leurs chiffres d’affaires, quitte à aller chercher les pratiques les plus viles que peuvent suggérer les transactions commerciales malsaines. Oxygènes et médicaments par-ci, citernes et autres matériels pour le stockage d’eau par là: les prix explosent au rythme d’une demande en forte croissance qui a été pourtant provoquée par la maladie et la pénurie, donc par le besoin vital et urgent à la fois. Mais les vieux réflexes des faiseurs de prix sans limites sont incurables, et ces derniers ne trouvent plus aucune gêne ni retenue à exploiter la moindre occasion de malheur des Algériens pour ramasser plus d’argent. Peu importe donc que ces Algériens soient nombreux à avoir perdu leur poste d’emploi face à la covid-19, à devoir subvenir aux besoins de leur famille avec des salaires rachitiques, et à subir déjà une inflation continue et sans pitié dans leurs achats de produits de première nécessité.
Et comme rien dans les dures épreuves que traverse le pays et ses citoyens ne semble en mesure de réduire de l’appétit féroce d’une bonne partie de prestataires de la sphère commerciale, rien ne semble aussi en mesure de dissuader les criminels à mettre à feu notre patrimoine forestier, quand bien même la vie de citoyens innocents serait mise en péril. Ce qui se passe en Kabylie depuis lundi, et même dans d’autres régions du pays, témoigne une nouvelle fois de la capacité des faiseurs de mal et de deuil de frapper à n’importe quel moment et n’importe où, touchant chaque citoyen jusqu’au tréfonds de sa dignité et sa fierté.
La Kabylie qui brûle de ses 21 feux provoqués par des mains criminels et des desseins assassins, c’est l’Algérie entière qui a déjà mal dans ses entrailles frappées par le virus mortel.
Mais comme ils ont su si brillamment le faire face au coronavirus, dans leurs différentes couches sociales, les citoyens maintiennent en éveil leur sens de la solidarité pour se déployer sur d’autres fronts et aller au secours de leur Kabylie. Dans ce gigantesque feu qui nous prend de partout, il y a encore une flamme d’espoir. Une flamme citoyenne.