La crise russo-ukrainienne et la série de sanctions économiques imposées par les Etats-Unis, l’Union européenne et leurs alliés ont accru les risques pour l’économie mondiale.
Par Hakim Ould Mohamed
Les lanceurs d’alertes n’ont pas manqué de sonner le tocsin, dont l’agence de notation Moody’s, qui a estimé, vendredi, que le conflit entraînera une catastrophe économique en Russie et en Ukraine, mais qui aura des répercussions dans le monde entier à travers les chocs sur les prix des matières premières, les contraintes d’approvisionnement, la volatilité des marchés financiers et les problèmes de sécurité potentiels tels que les cyber attaques. Cependant, l’impact de cette onde de choc planétaire de la crise ukrainienne variera selon les régions et les économies.
Bien évidemment, sur la liste des pays qui seraient les plus exposés aux dégâts potentiels de cette onde de choc figurent les pays importateurs de produits de base. Le pouvoir d’achat des ménages va baisser, les monnaies vont se déprécier, les conditions financières vont se resserrer et, par conséquent, la croissance économique va faiblir. Les pays importateurs de matières premières, dont le gaz et le pétrole plus particulièrement, sont d’ores et déjà aux prises d’une inflation galopante qui pourrait laminer les entreprises et les ménages. Cette inflation est une véritable menace pour la croissance économique dans les économies avancées et émergentes et pourrait se traduire à terme par un nouveau ralentissement, alors que la reprise post-Covid demeure fragile dans de nombreux pays.
Au-delà du conflit armé russo-ukrainienne, il existe d’importants risques qui pèsent sur l’économie mondiale, notamment le danger des chocs d’approvisionnement, des faux pas en matière de politique monétaire, la volatilité des marchés, etc. Aux Etats-Unis comme en Europe, les effets d’entraînement se feront sentir par le canal des prix à la consommation et à la production. Les pays européens, importateurs de pétrole et de gaz seront impactés par une hausse des prix de l’énergie et une éventuelle coupure de l’approvisionnement en gaz de la Russie, en cas de représailles.
Onde de choc planétaire
Parmi les plus vulnérables figure l’Allemagne, qui dépend fortement de l’approvisionnement en gaz de la Russie. En Afrique, les effets négatifs se feront sentir à deux niveaux ; les plus vulnérables parmi les économies africaines sont les importateurs de pétrole à l’image du Kenya, qui représente environ 20% des importations totales. L’Egypte connaîtra probablement une baisse des flux de touristes en provenance de Russie, mais la hausse des prix du pétrole et du gaz contribuera à améliorer les comptes courants et la croissance économique dans les pays exportateurs de pétrole tels que l’Algérie, le Nigeria, l’Angola et le Ghana. Cependant, ces pays ne seraient pas épargnés par la vague inflationniste provoquée par la hausse des prix des biens alimentaires sur les marchés mondiaux, le blé en particulier, mais aussi par la hausse de l’inflation chez les pays partenaires. Ces deux facteurs pourraient pousser l’inflation à des niveaux problématiques pour les économies du continent africain. Les économies importatrices de matières premières, telles que la Chine, la Turquie, la Corée du Sud, le Japon et l’Indonésie, ressentiront le plus grand effet négatif des pressions sur les prix. La politique monétaire des marchés émergents devrait rester en mode de resserrement en raison des risques inflationnistes liés aux chocs des prix des matières premières. Cependant, les tendances mondiales des prix peuvent atténuer les effets négatifs pour les exportateurs de matières premières tels que le Brésil, l’Argentine et l’Inde. Ainsi, étant donné l’interconnexion des économies mondiales, l’onde de choc des tensions en Ukraine pourrait se répandre à travers toute la planète, dont les dégâts se feront sentir différemment selon les régions, le fonctionnement des économies et leurs niveaux de résilience face aux chocs externes. Dans une note publiée hier, la Banque mondiale a dit observer le retour de l’inflation mondiale, dont la poussée concerne aussi bien les économies avancées que les pays émergents et en développement.
Quel impact sur l’Algérie ?
«L’inflation est revenue plus vite et plus fort, et elle s’avère plus tenace et persistante que les grandes banques centrales ne l’avaient d’abord imaginé», fait constater la Banque mondiale dans une analyse qui met sous les feux de la rampe les facteurs ayant favorisé l’actuelle poussée inflationniste mondiale.
A l’origine de cette surchauffe planétaire figurent la dépréciation des monnaies, la hausse des prix des matières premières et des biens alimentaires de base, mais aussi des dysfonctionnements qui affectent les chaînes d’approvisionnement et des coûts élevés du transport et du fret mondial. «De fait, la caractéristique la plus marquante de l’inflation actuelle est son ubiquité. Faute de politiques mondiales pour résoudre les dysfonctionnements des chaînes d’approvisionnement, c’est aux grandes banques centrales qu’il incombe de régler le problème de l’inflation», lit-on dans la note de la Banque mondiale.
En tout cas, les signaux d’une crise économique mondiale sont omniprésents. Si celle-ci venait à se confirmer, au fur et à mesure que la crise ukrainienne s’aggrave et perdure, ses dégâts risquent de se révéler aussi dévastateurs que ceux de la crise des subprimes de 2008. Dans ce contexte, même si l’envolée des cours du pétrole et du gaz semble être bénéfique pour l’Algérie, le pays pourrait être confronté au risque d’une inflation importée en raison de la flambée des prix des biens alimentaires et d’une variation haussière des taux d’inflation dans les pays partenaires. L’Exécutif a pris un certain nombre de mesures pour atténuer l’impact de la hausse des prix sur les marchés mondiaux, mais l’augmentation des coûts du fret et les problèmes affectant les chaînes d’approvisionnement mondiales pourraient être un facteur de risque. n