Depuis une semaine déjà, les places financières mondiales valsent au rythme des palpitations de la monnaie turque, plus que jamais dans la tourmente après les sanctions américaines contre les importations de l’acier et de l’aluminium turcs. Et l’onde de choc a atteint bien des économies.

Les pays émergents n’ont pas résisté à la secousse, assistant impuissants, comme c’est le cas pour la Turquie, à l’érosion de leurs monnaies respectives. Rand sud-africain, peso argentin, réal brésilien ou rouble russe: la plupart des devises émergentes plongent depuis une semaine, dans le sillage de la livre turque, une chute qui met en lumière la fragilité de ces économies toujours très dépendantes des capitaux étrangers.

La roupie indienne n’a pas été non plus épargnée par les craintes de contagion de la crise turque. La devise indienne est tombée sous 70 roupies pour un dollar ; une première depuis plusieurs années. La crise opposant les Etats-Unis à la Turquie, qui était à son origine purement politique, a aussitôt affecté l’économie de la Turquie, mais aussi celle de nombre de pays émergents, mettant sous les feux de la rampe les vulnérabilités de ces pays, plus que jamais dépendants des capitaux étrangers et des politiques monétaires accommodantes de la Réserves fédérale (FED). Avant même que le conflit USA-Turquie ne se déclare, les économies émergentes étaient déjà fortement pénalisées par la fin de la politique monétaire américaine accommodante. C’est que ces pays se finançaient depuis plusieurs années sur les marchés internationaux pour soutenir leur croissance et leur développement. La propagation de la crise turque vers d’autres économies de la même taille a fait souffler un vent de panique sur les places boursières. Les principaux marchés européens restant fébriles, tandis que les bourses de Tokyo et de Hong Kong poursuivant leur chute pour la seconde ouverture de la semaine. La tension est montée d’un cran à la suite des commentaires d’analystes et d’économistes, ceux-ci excluant toute normalisation des relations entre Ankara et Washington dans l’immédiat. D’autres estiment que les tensions entre Ankara et Washington « n’ont fait qu’exacerber » une crise économique émergente. Par ailleurs, la plongée de la lire au cours des dernières semaines a suscité une réaction plutôt discrète parmi les produits de base, bien que d’autres menaces à la croissance mondiale – telles que la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine – continuent d’affaiblir la confiance. Plus globalement, ces tensions commerciales sont un facteur favorisant les tendances baissières des cours du brut. Lesquelles tensions pourraient peser sur la demande et ralentir, par la même, la croissance de l’économie mondiale. En outre, la hausse du dollar et l’affaissement des monnaies des marchés émergents pèsent sur le pouvoir d’achat des investisseurs de ces pays qui utilisent leurs devises pour payer des barils libellés en monnaie américaine. En tout cas, la déroute de sa monnaie peut pousser la Turquie vers une crise monétaire si le président Erdogan ne lève pas le pied sur la gestion politique de la crise.

C’est-à-dire que le président Erdogan doit laisser la banque centrale turque travailler en parfaite autonomie afin que des mesures de parade puissent être lancées, dont la hausse des taux directeurs, le resserrement des politiques budgétaires et monétaires, contrôler les capitaux et les sorties d’argent…

Jusqu’ici, la banque centrale turque a décidé de maintenir en l’état tous les indicateurs, se refusant à l’idée de substituer au pouvoir politique d’Erdogan qui souhaitait éviter tout impact sur la croissance et de creuser les déficits publics.

Cet immobilisme ne fait que revivifier l’inquiétude qui s’est emparée des marchés, ce qui fait dire à certains analystes que la crise ne fait que commencer et que la chute de la monnaie turque se poursuivra. Si cette crise venait à s’aggraver, les économies émergentes accuseraient le coup et le mouvement de capitaux et d’investisseurs profitera probablement aux Etats-Unis.