La crise algéro-espagnole après la suspension par Alger du Traité d’amitié, de bon voisinage et de coopération, suivie par celle des opérations du commerce extérieur, hors hydrocarbures, entre les deux pays continue de faire réagir. Mais quels sont le volume et la structure des échanges commerciaux ? Une question à laquelle répond l’économiste et expert international Abderrahmane Mebtoul de façon globale, sans dissocier les hydrocarbures des autres produits, les relations commerciales entre deux pays représentant un tout.
Par T. Gacem
Ainsi, pour le commerce entre l’Espagne et l’Algérie en 2020, il indique que l’Algérie a importé pour 2,1 milliards de dollars, contre 2,9 milliards en 2019, soit une baisse de près de 21%. Dans le même temps, les exportations algériennes vers l’Espagne ont chuté de 40%, passant de près de 4 milliards de dollars en 2019 à 2,3 milliards de dollars en 2020, selon les chiffres des Douanes algériennes citées par M. Mebtoul. Pour 2021, les échanges ont totalisé une valeur d’environ 7 milliards de dollars. Les exportations d’Algérie vers l’Espagne sont d’environ 4,9 milliards de dollars principalement les hydrocarbures, et les importations d’Espagne de 2,1 milliards de dollars.
«Les exportations espagnoles vers l’Algérie comprennent le fer et l’acier, les machines, les produits de papier, le carburant et les plastiques, tandis que les exportations de services comprennent la construction, les affaires bancaires et les assurances», a relevé M. Mebtoul dans une tribune transmise à Reporters. Il y a également les entreprises énergétiques espagnoles Naturgy, Repsol et Cepsa qui ont des contrats avec la compagnie gazière publique algérienne Sonatrach. Selon les statistiques de l’organisme public espagnol Strategic Reserves of Petroleum Products Corporation (Cores), sous la tutelle du ministère de la Transition écologique, «l’Algérie demeure le premier fournisseur de l’Espagne en gaz avec 41,4% des importations espagnoles entre le 1er janvier 2021 et fin janvier 2022, les Etats-Unis, qui tentent une plus grande percée en Europe, notamment à la faveur de la crise avec la Russie, sont le deuxième fournisseur de gaz de l’Espagne, loin derrière l’Algérie, avec une part de 16,9% du total des importations espagnoles, la Russie est le quatrième fournisseur avec 8,7% suivie par le Qatar (6,3%) et le reste du monde 8,8%».
L’économiste évoque également les principaux indicateurs économiques des deux pays. Se référant à des données internationales, il relève que le PIB de l’Espagne est de 1 426 milliards de dollars en 2021, contre 1 280 milliards en 2020. Les exportations de biens (non compris les services) ont totalisé 307 milliards de dollars en 2020 et les importations 324 milliards, contre 325 milliards de dollars pour les exportations et 354 milliards pour les importations en 2021. «Pour l’Algérie, le PIB est évalué à 147 milliards de dollars en 2020 et 163 milliards en 2022», a-t-il noté. Du fait de l’épidémie du coronavirus qui a affecté surtout les exportations d’hydrocarbures, représentant avec les dérivées environ 97/98% des entrées en devises, selon M. Mebtoul, «les exportations ont été de 23,9 milliards de dollars et les importations de biens non compris les services de 33,8 milliards en 2020. Pour 2021, les exportations avoisinent les 37/38 milliards de dollars dont 34,5 milliards provenant des hydrocarbures, Sonatrach incluant environ 2,5 milliards de dollars de dérivés comptabilisés dans la rubrique hors hydrocarbures». Pour 2022, il estime que les recettes prévues seraient entre 58/59 milliards de dollars.
Les échanges commerciaux avec le reste du monde
L’expert en questions économiques délivre, ainsi, les statistiques du commerce extérieur, tout en plaçant dans un contexte plus large les relations commerciales de l’Algérie avec le reste des pays du monde. «Les tendances du commerce extérieur montrent que l’Europe demeure le premier partenaire avec peu d’évolution entre 2021/2022», souligne-t-il, se basant sur les données douanières pour 2020 qui font ressortir une ventilation par zone. «L’Europe représente 48,45% d’importation de l’Algérie et 56,76% d’exportation avec une baisse de 17,70% par rapport à 2019, du fait de l’épidémie du coronavirus et de la baisse en volume physique des exportations d’hydrocarbures». Avec l’Afrique, les importations sont de 3,27% et les exportations de 6,58%. Avec l’Amérique, il y a 15,55% d’importation et 8,41% d’exportation, tandis qu’avec l’Asie et l’Océanie, les importations sont à hauteur de 32,73% et les exportations de 28,71%. «Pour ce dernier cas, il y a dominance de la Chine avec 35,50% des importations, principal fournisseur». Pour la zone de libre-échange avec le monde arabe (Gzale), «les échanges sont dérisoires, environ 1,20 milliard de dollars en 2020, contre 1,33 en 2019, soit une baisse de 9,61%».
A la lumière des chiffres du commerce extérieur et se référant également à d’autres formes de coopération, M. Mebtoul souligne que «l’Europe est un partenaire clef de l’Algérie dans le domaine économique et même sécuritaire dans le cadre d’un partenariat gagnant-gagnant afin de faire du bassin méditerranéen un lac de paix et de prospérité partagée. En n’oubliant jamais que dans les relations internationales n’existent pas de sentiments mais que des intérêts, chaque pays défendant ses intérêts propres, espérons que le dialogue productif l’emporte sur les passions».
Il élargit son analyse à d’autres domaines. «L’épidémie du coronavirus, le réchauffement climatique avec la maîtrise de l’eau, principal input de la sécurité alimentaire, et la crise ukrainienne préfigurent d’importantes mutations dans les relations internationales, militaires, sécuritaires, politiques, culturelles et économiques, notamment au niveau de la région méditerranéenne via l’Afrique. Il faut éviter, pour analyser les impacts, le mythe d’une analyse statique de la balance commerciale mais raisonner toujours en dynamique», estime-t-il, tout en prenant l’exemple des tensions en Ukraine où l’on découvre la forte dépendance de l’Europe pour l’énergie (dépassant les 40%) et la dépendance alimentaire, la Russie et l’Ukraine représentant environ 30% des exportations mondiales. «Certes, le PIB russe est extrêmement faible, ayant une économie peu diversifiée mais contrôlant des matières premières stratégiques, un PIB proche de celui de l’Espagne avec 1 775 milliards de dollars en 2021 contre 1 483 en 2020.
L’énergie entre dans toutes les chaînes de production, la hausse des prix alimentant l’inflation mondiale et idem pour les biens alimentaires. Les pays développés contrôlant à leur tour les segments à forte valeur ajoutée répercutent cette hausse des prix sur les pays producteurs d’hydrocarbures (biens équipements, matières premières et biens de consommation) d’où ce qu’ils gagnent d’un côté, ils le perdent de l’autre, devant dresser la balance devises pour calculer le solde net», conclut l’expert en questions économiques.