Synthèse de Feriel Nourine
Comme il fallait s’y attendre, la communauté internationale n’a pas tardé à réagir au coup d’Etat militaire, qui a secoué lundi après-midi le Burkina Faso. Hier, les condamnations fusaient de plusieurs pays du monde et d’organisations, condamnant cet acte qui a renversé le président Roch Marc Christian Kaboré pour mettre le pouvoir entre les mains du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR) et son homme fort, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, commandant de la 3e Région militaire qui couvre notamment la zone Est.
Durant la matinée, le Haut-commissariat aux droits de l’homme de l’ONU a demandé la «libération immédiate» de l’ancien Président et appelé à un «retour rapide à l’ordre constitutionnel». Même message du côté du président français Emmanuel Macron, qui «condamne le coup d’Etat militaire». «On m’a dit qu’il n’était pas menacé dans son intégrité physique», a ajouté M. Macron, au sujet de Roch Kaboré, dont on ignorait toujours hier où il se trouvait.
Le coup d’Etat a été également condamné «énergiquement» par l’Organisation régionale G5 Sahel qui lutte contre le terrorisme (Mauritanie, Mali, Niger, Burkina Faso et Tchad). Il s’agit d’une «tentative d’interruption de l’ordre constitutionnel», a estimé cette organisation dont la présidence est assurée par N’Djamena. Un peu plus tard, c’est la Communauté économique des Etats ouest-africains (Cédéao) qui réagissait pour condamner, à son tour, «fermement le coup d’Etat militaire», estimant que la démission de M. Kaboré avait été «obtenue sous la menace, l’intimidation et la pression des militaires après deux jours de mutinerie». Les Etats ouest-africains ont, par ailleurs, annoncé la tenue d’un sommet extraordinaire «dans les prochains jours».
Dans la rue burkinabé, la réaction des citoyens au coup d’Etat de lundi était toute autre. Elle était même favorablement accueillie par une partie de la population dont des centaines de personnes sont descendues hier sur la place de la Nation, au cœur d’Ouagadougou, pour soutenir les militaires, rapporte l’AFP. «Nous avions demandé à plusieurs occasions le départ du président Kaboré, qui n’a pas entendu cet appel. L’armée nous a entendu et compris», se réjouissait Lassane Ouedraogo, un manifestant de 43 ans et militant de la société civile, cité par l’agence française. «Pour nous ce n’est pas un coup d’Etat, c’est une libération de notre pays qui était dirigé par des incompétents», renchérit Julienne Traoré, une enseignante de 30 ans.
A la tête du Burkina Faso depuis 2015, le président Kaboré, réélu en 2020 sur la promesse de faire de la lutte antidjihadiste sa priorité, était de plus en plus contesté par une population excédée par les violences djihadistes et son impuissance à y faire face. La junte a par ailleurs annoncé, hier dans la matinée, la réouverture des frontières aériennes, fermées depuis minuit. Les frontières terrestres rouvrent uniquement pour les véhicules humanitaires, ceux «transportant des denrées de première nécessité» ainsi que «les équipements destinés aux forces de défense et de sécurité», précise un communiqué lu à la Télévision nationale.
Le Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR) a instauré un couvre-feu de 21H à 05h (locales et GMT), dissous l’Assemblée et suspendu la Constitution, mais promis «un délai raisonnable» pour un «calendrier de retour à un ordre constitutionnel accepté de tous». Ramener la paix au Burkina Faso ne sera pas une mince affaire pour le MPSR, tant le pays s’est enfoncé ces dernières années dans une infernale spirale de violences djihadistes. La majorité de son territoire, en particulier l’Est et le Nord, est le théâtre d’attaques quasi quotidiennes des groupes affiliés à Al-Qaïda et au groupe Etat islamique. L’armée, souvent dépassée et visée, n’arrive pas à endiguer ces violences meurtrières qui ont fait plus de 2 000 morts et contraint au moins 1,5 million de personnes à fuir leurs foyers. Reste également à savoir quelle marge de manœuvre aura cette junte militaire sur la scène internationale. Le Mali et la Guinée, qui ont connu des coups d’Etat l’an dernier, sont suspendus des institutions ouest-africaines.