Dans un contexte de situation épidémique, marqué par une forte augmentation de contaminations à la Covid parmi la population, les professionnels de la santé, en première ligne dans la lutte anti-Covid, ne sont pas épargnés et connaissent, eux aussi, une explosion du nombre de contaminations avec toutes les conséquences que cela peut engendrer dans la prise en charge des malades Covid de plus en plus nombreux dans les hôpitaux.
Par Sihem Bounabi
En effet, plusieurs professionnels de la santé tirent la sonnette d’alarme sur les ravages de la propagation du virus dans les rangs des travailleurs de la santé. «Il y a de plus en plus de contaminations parmi les personnels de santé. Si cela continue ainsi, on ne trouvera pas qui s’occupera des malades», s’est alarmée docteur Aït Yahia, chef de service Covid-19 au CHU de Douéra.
De son côté, Dr Lyes Merabet, président du Syndicat national des praticiens de la santé publique (SNPSP), a affirmé, hier, à Reporters que le chiffre de 20 000 employés de la santé contaminés depuis le début de la pandémie a été largement dépassé ces jours-ci, étant donné qu’«en moyenne, une dizaine de contaminations sont enregistrées au niveau des structures de santé chaque jour dans la majorité des wilayas», souligne-t-il. Ajoutant que «l’on subit de plein fouet une quatrième vague, notamment avec la propagation rapide du variant Omicron. Ce qui fait malheureusement exploser le nombre de personnes contaminées chez le personnel de la santé».
En l’absence d’un chiffre officiel du ministère de la Santé concernant le nombre de personnes de la santé contaminées par la Covid, le président du SNPSP explique que les chiffres avancés par son syndicat sont le fruit d’un travail de récolte d’informations à travers les délégués des bureaux de wilaya, mise à jour régulièrement. «On essaie de recouper toutes ces informations qui remontent à travers une équation mathématique», précise-t-il. Il ajoute que pour «les cas de décès, il y a un travail de vérification sur le lien de causalité entre le décès et les complications dues à la contamination à la Covid. Ce que nous avons confirmé à ce jour, c’est 446 cas de décès dus aux complications de la Covid, dont plus de deux-tiers font partie du corps médical».
Afin d’expliquer cette forte augmentation du nombre de contaminations à la Covid, Dr Lyes Merabet estime qu’«il y a un déni flagrant de la situation pandémique, que ce soit de la part des citoyens, mais également de la part des autorités sanitaires. Il y a une responsabilité des pouvoirs publics à faire respecter les protocoles sanitaires qui ont été décidés».
Il met ainsi en exergue le fait qu’«il y a une réglementation et des lois de la République qui ont été mises en place depuis l’avènement de cette pandémie et c’est la responsabilité des pouvoirs publics de faire de l’éducation sanitaire mais aussi de contraindre au respect des gestes barrières, par la force de la loi et l’incitation à la vaccination qui, malheureusement, n’existe pas sur le terrain».
En effet, en plus d’un relâchement total du respect des gestes barrières, comme la distanciation physique et le port du masque, le constat amer est «l’échec» de la campagne de vaccination. Seulement 30% de la population sont vaccinés alors que l’objectif initial était d’atteindre 70% de la population.
Il est à noter qu’en Algérie, selon les déclarations du ministre de la Santé, Abderrahmane Benbouzid, moins de 20% des personnels de la santé sont vaccinés. Cette réticence pourrait aussi expliquer le nombre important de décès parmi le corps soignant.
«La vaccination doit être obligatoire»
Pour le Dr Lyes Merabet, la réticence des Algériens, en général, et des personnels de la santé, en particulier, à se faire vacciner s’explique notamment par «l’échec la campagne de sensibilisation et de la pédagogie à l’importance de se faire vacciner afin de se protéger des formes compliquées de la contamination à la Covid».
Ajoutant que les Algériens continuent de débattre de la pertinence de la vaccination contre la Covid, alors qu’aujourd’hui, ce débat n’a plus sa place, puisque nous avons déjà comme exemple l’expérience des pays qui ont réussi à vacciner plus de 70% de leur population et éviter le pire grâce justement à l’intensification des campagnes de vaccination.
Concernant les professionnels de la santé, le président du SNPSP confie : «Personnellement, je prône la démarche d’aller vers l’obligation vaccinale pour le personnel de la santé et d’autres corps qui sont exposés directement aux risques de contamination à la Covid depuis le début de la campagne de vaccination.»
Dr Lyes Merabet tient toutefois à souligner que dans la majorité des pays qui ont imposé la vaccination anticovid aux personnels de la santé, une série de mesures d’accompagnement a été mise en place. Ainsi, le dépistage est assuré gratuitement, il y a un suivi médical et psychologique, la maladie de la Covid est reconnue comme maladie professionnelle. En plus, il y a des indemnisations et des remboursements dans les cas de formes compliquées. Ces pays font aussi un travail de sensibilisation et de pédagogie en plus de la mise place d’un circuit de prise en charge y compris sur le plan financier qui incite les professionnels à se faire vacciner contre la Covid».
Pour une prise en charge des tests de dépistages
Par ailleurs, le président du SNPSP tient à dénoncer le fait que, dans un contexte épidémique où le dépistage des personnes contaminées par la Covid est crucial pour casser les chaînes de transmission, «ce n’est pas normal que les tests de diagnostics Covid, que ce soit les tests antigéniques ou PCR, ne sont pas pris en charge. Les professionnels de la santé doivent débourser de leur propre poche pour se faire tester alors que leur pouvoir d’achat est fortement érodé». Il affirme à ce sujet que «tous ceux qui ont été contaminés ont dû puiser de leur propre salaire pour payer les tests antigéniques qui tournent autour de 3 000 DA ou les tests PCR, qui varient entre 8 000 et 10 000 DA».
Le syndicaliste estime que le fait de prendre en charge les tests de diagnostic par les pouvoirs publics est une manière d’exprimer leur reconnaissance et leur gratitude à ses professionnels de la santé qui sont sur le front depuis deux ans et pas uniquement au niveau de la parole ou des déclarations. Le président du SNPSP réclame des actions concrètes, notamment la disponibilité en nombre suffisant des moyens de protection pour qu’ils puissent travailler dans des conditions optimales. II s’agit également de la mise en place d’un suivi médical et psychologique. «Cela comprend également la prise en charge des tests de dépistages», insiste Dr Lyes Merabet.
Il souligne à ce sujet : «On ne comprend pas pourquoi des footballeurs sont dépistés gratuitement chaque jour parce qu’ils ont des compétitions et pas le professionnels de la santé. De même, au niveau de plusieurs entreprises privées et publiques, les travailleurs sont régulièrement testés pour garantir le fonctionnement et la productivité de l’entreprise, alors que dans le secteur de la santé, qui est en première ligne contre la lutte de la pandémie et qui fait face quotidiennement aux risques de contamination, les tests de dépistage ne sont pas pris en charge.»