Le dossier des réformes politiques qui comprend, en premier lieu, une révision en profondeur de la Constitution, est un bien vaste chantier. Il nécessitera, incontestablement, bien du temps avant que ces réformes ne soient au point. C’est, d’ailleurs, le premier point qui a été évoqué par le Président de la République, Abdelmadjid Tebboune, lors du premier Conseil des ministres tenu avant-hier.
Ce qui le place parmi les priorités, si ce n’est la priorité avant que vienne s’ajouter au tableau des priorités de l’heure la question cruciale de la sécurité du pays avec ce qu’on pourrait appeler l’aggravation de la crise libyenne et les éventuelles répercussions qu’elle pourrait engendrer dans les régions d’Afrique du Nord et du Sahel.
Au cours de ce premier Conseil des ministres, consacré à la mise en œuvre du programme présidentiel, l’accent a été mis sur la nécessité de «redresser la situation générale du pays à travers le rétablissement de l’autorité de l’Etat et le recouvrement de la confiance des citoyens», a affirmé le Président Tebboune, tout en insistant sur «l’importance qu’il accorde aux volets politique, institutionnel, socioéconomique et culturel visant tous à l’édification d’une nouvelle République répondant aux aspirations de notre peuple».
En évoquant en premier lieu le volet politique, le Président a, ainsi, officialisé son engagement de procéder à une révision, si ce n’est à un changement profond de la Constitution, comme il l’a réitéré à maintes reprises aussi bien lors de sa campagne électorale que dans son discours d’investiture.
«L’édification de l’Algérie à laquelle aspirent les citoyens et citoyennes implique la reconsidération du système de gouvernance à travers un profond amendement de la Constitution, pierre angulaire de l’édification de la nouvelle République, ainsi que de certains textes de loi importants, à l’instar de la loi organique relative au régime électoral», a-t-il affirmé au Conseil des ministres. Il a ajouté que «cette entreprise requiert, par ailleurs, la moralisation de la vie politique par la consécration de la séparation entre l’argent et la politique et la lutte contre la médiocrité dans la gestion. La nouvelle République doit focaliser sur l’instauration de l’Etat de droit qui garantit l’indépendance de la justice et la promotion de la véritable démocratie participative, favorisant l’épanouissement social et politique de tous».
Cette révision, annoncée pour «les mois, si ce n’est les semaines à venir», réunira autour de la table de travail et de réflexion des spécialistes du droit constitutionnel, universitaires, intellectuels et représentants de la société en vue de réparer certaines maladresses et de combler les lacunes existantes et les risques liés à ces lacunes fort préjudiciables pour le pays, tel que constaté tout au long des dix derniers mois où l’Algérie s’était retrouvée face à des situations presque inextricables.
Pour M. Tebboune, il s’agit donc d’aller vers une Constitution révisée et remaniée en profondeur qui «consacrera, en premier lieu, la démocratie» qui reste la revendication de tout un peuple, comme elle veillera à «la protection des droits et des libertés des citoyens».
L’autre point important, qui garantira l’alternance au pouvoir, verra «la consécration de l’inviolabilité et de l’immuabilité de la limitation du mandat présidentiel à un seul mandat renouvelable une fois», afin que nul ne puisse prétendre détenir les rênes du pays plus de dix ans, sachant que la durée d’un mandat est de cinq ans. Il s’agira également, à travers la nouvelle Loi fondamentale du pays, de faire en sorte que ses textes limitent les prérogatives du Président de la République» afin d’«éviter toute dérive autocratique», et ce, «à travers la mise en place de contrepouvoirs efficaces». C’est ainsi qu’elle sera également la garante de «la séparation stricte des pouvoirs (législatif, Exécutif et judiciaire) et assurera leur équilibre», comme elle «renforcera les pouvoirs de contrôle du Parlement» et «permettra un fonctionnement harmonieux des institutions».
Parmi les grandes lignes du chantier de la révision de la Constitution, on peut citer la partie qui concerne les parlementaires et qui aura en charge de «limiter l’immunité parlementaire aux actes et propos intervenant dans le cadre de l’activité parlementaire». Cette partie vient corriger une situation qui, dans un passé récent, a fait que des parlementaires présumés impliqués dans des affaires de corruption n’aient pas pu être entendus par la justice car bénéficiant d’une immunité qui les prémunissait contre tout, y compris contre des activités extra-parlementaires. D’où la lutte contre la corruption, d’une façon générale, se verra également renforcée dans la nouvelle Constitution.
M. Tebboune s’est engagé, par ailleurs, à réhabiliter les instances élues. Cela se concrétisera à travers la révision de la loi électorale, qui devra accorder une plus grande chance aux jeunes, en particulier les universitaires, de se porter candidats aux assemblées élues. Afin de pouvoir réellement donner une chance aux jeunes, le Président avait promis que «leurs campagnes électorales seront financées par l’Etat afin qu’ils ne tombent pas dans le piège de l’argent sale».
La moralisation de la vie politique et publique ainsi que le renforcement de la bonne gouvernance figurent également dans le registre des réformes. Pour ce faire, le Président compte agir à travers «la séparation de l’agent de la politique, la lutte contre la corruption, le népotisme et le clientélisme, la retenue du seul critère de compétence pour la nomination aux différentes fonctions de l’Etat». «La mise en place de mécanismes de contrôle et de veille pour garantir l’intégrité des responsables publics et une gestion saine des deniers de l’Etat, la reddition des comptes aux organes de contrôle de l’Etat» et, enfin, «une meilleure traçabilité dans la gestion des décisions et procédures liés à la gestion des deniers et marchés publics» ne sont pas en reste dans les réformes que compte engager le chef de l’Etat.