«J’avais 112 élèves inscrits dans le cadre de la prime pour nécessiteux. Tout était réglé dès le début du mois de septembre au plus tard, car quelquefois les primes étaient versées à partir du mois de juillet, quand les liquidités étaient présentes dans nos caisses.Aujourd’hui, je me retrouve dans une situation tragicomique, les 112 cas ont tous été payés, mais selon l’ancienne prime de 3 000 DA.
L’annonce par le ministère de l’Education de l’augmentation des primes de 3 000 à 5 000 dinars a faussé toutes a donne. Il va falloir que je rajoute 2 000 dinars à chaque élève, une somme que je n’ai pas, en plus de l’augmentation ahurissante des «nécessiteux » qui est passée de 112 à 521 !» Propos désabusés et alarmistes du censeur d’un lycée constantinois, pourtant réputé huppé, un censeur qui ne souhaite pas que l’on nomme son lycée, le temps étant au « dégagisme ».
C’est un peu donc la quadrature du cercle pour les responsables des établissements scolaires, surpris de la décision du gouvernement de M. Bédoui d’augmenter la prime de scolarité à 3 000 dinars pour les élèves «normaux » et à 5 000 pour ceux issus des familles dans le besoin. Pour rappel, les 5 000 dinars sont octroyés aux enfants dont les parents sont pauvres, aux handicapés et aux victimes du terrorisme. Pratiquement tous les établissements scolaires ont épuisé leur bas de laine qui ne contenait que la somme initiale en direction des enfants scolarisés, très loin de celle issue de l’augmentation surprise du ministre de l’Education.
Il faut signaler, comme nous l’on rappelé quelques parents d’élèves, que la prime de scolarité avait pour particularité d’être versée dans certains établissements bien en retard, un retard qui pouvait s’étendre jusqu’au mois de novembre.
«Les nécessiteux augmentant comme par magie dès l’entame de la constitution des dossiers ». Cela pour nous rappeler ce père de famille « dans le besoin » qui engueulait au téléphone l’un de ses employés pour le retard mis pour décharger « les deux containers venus de Chine » tout en faisant la queue pour recevoir, à l’époque, 2 000 dinars.
Ou encore ce ponte du commerce de gros dans le cosmétique, très connu à Constantine, qui constituait, à chaque rentrée scolaire un dossier de nécessiteux pour ses trois enfants scolarisés à l’école Mouloud-Belaâbed (ex-Arago).
Tout cela pour dire que les primes de scolarité que l’on qualifiait de « prime de la honte », vu la somme dérisoire offerte, il y a quelques années, se sont transformées en « prime de la triche », tant le nombre de prétendants toujours à la hausse n’intrigue pourtant personne. « Que pouvons-nous faire ? nous dira encore notre interlocuteur, le censeur désemparé. Nous savons et connaîssons les parents d’élèves. Pourtant ils nous présentent un dossier ficelé, dans les règles, avec tous les papiers exigés. Nous savons que c’est de vrai-faux, mais nous n’y pouvons rien. Nous ne sommes pas en mesure de faire une enquête pour chaque cas suspect. Nous laissons les gens avec leur conscience ».
Mais en attendant, les nécessiteux, les vrais, continuent d’espérer une hypothétique prime de scolarité qui, même s’il est vrai qu’elle ne comblera pas toutes les dépenses de la rentrée scolaire, contribuera un tant soit peu à rajouter du beurre dans des épinards qui, des fois, n’existent même pas !n