La guerre en Ukraine provoque déjà une flambée généralisée des cours des matières premières et des produits pétroliers et gaziers, laissant entrevoir le scénario d’un super cycle pétrolier synonyme d’une envolée inédite des prix du baril. Par ses répercussions internationales, ce conflit fait craindre aussi de graves retombées économiques qui pourraient se traduire, à l’avenir, par une perte de croissance de l’économie mondiale, ainsi qu’une flambée généralisée des produits alimentaires de base.
Par Hakim Ould Mohamed
La crise ukrainienne pourrait déboucher sur un super cycle pétrolier ; les consommateurs craignant une rupture de l’approvisionnement, alors que les producteurs siégeant dans l’Opep+ parient sur la poursuite de leur politique en matière de production, non sans pointer un déficit en investissements qui serait à l’origine d’un manque criant de capacités supplémentaires de production de pétrole et de gaz.
Le désinvestissement dans l’amont pétrolier et gazier mondial, dont l’Agence internationale de l’énergie (AIE) serait en partie à l’origine, après avoir appelé à l’arrêt des investissements dans de nouveaux projets pétroliers et gaziers pour atteindre l’objectif de zéro émission carbone à l’horizon 2050, revient sur le devant de la scène dans le contexte de la crise ukrainienne qui fait craindre une perturbation des exportations russes de pétrole et de gaz. Conséquences directes, les cours du pétrole et du gaz sont repartis, hier, à la hausse ; le Brent s’échangeant à plus de 102 dollars le baril, alors que la référence américaine, le WTI, a grimpé à près de 100 dollars le baril. Au-delà des facteurs conjoncturels plaidant en faveur de ce mouvement haussier, dont l’exacerbation des tensions autour de la crise ukrainienne avec, comme risque majeur, le déclenchement d’une véritable crise financière et économique à la suite des sanctions prises à l’encontre de la Russie, le marché pétrolier fait face à un problème structurel vieux de plusieurs mois, voire de quelques années, à savoir la diminution des capacités inutilisées, ce qui signifie qu’une production supplémentaire au-delà des volumes actuels serait difficile et que les prix ont encore une belle marge de hausse. Le problème de la baisse des capacités inutilisées a été souligné à plusieurs reprises par l’Opep, l’Agence internationale de l’énergie et de nombreux analystes. Résultat du sous-investissement, le déclin des capacités mondiales a été accéléré en raison de la pression exercée par l’AIE et plusieurs autres organismes en faveur de la transition énergétique.
Cependant, cette nouvelle hausse des cours tire sa source de la menace proférée par les Etats-Unis, le Canada, l’UE et le Royaume-Uni qui consiste à couper plusieurs banques russes du système international de règlement par virement bancaire Swift. Compte tenu des volumes de gaz et de pétrole exportés par la Russie, les marchés craignent que cette dernière menace de l’Occident n’entraîne des perturbations des flux de pétrole et de gaz. «Les craintes que la Russie ne riposte en utilisant ses exportations d’énergie comme une arme maintiennent les prix du pétrole et du gaz à un niveau élevé», ajoute une analyste.
Flambée généralisée des cours
Les analystes ont estimé aussitôt que cette hausse des cours pourrait déboucher sur un super cycle pétrolier qui serait incontrôlable. Des perturbations semblent, cependant, tout à fait probables à la suite des dernières sanctions contre la Russie. Pendant ce temps, la demande de pétrole et de gaz continue de croître. Selon le Directeur général de Vitol, principale société de négoce de matières premières, la demande mondiale de pétrole devrait franchir le seuil des 100 millions de barils par jour cette année. Cependant, le pétrole n’est pas la seule matière première dont l’approvisionnement serait gravement perturbé si les banques russes venaient à être interdites de Swift. Au moins 10 négociants en pétrole et matières premières ont déclaré à Reuters que les flux de matières premières russes vers l’Occident seraient gravement perturbés ou interrompus pendant des jours, voire des semaines. La Russie produit 10% du pétrole mondial et 40% du gaz naturel européen, mais est également un important exportateur d’aluminium, de cuivre, de nickel et de céréales, parmi d’autres produits de base clés, lesquels pourraient tous connaître des flambées de prix, soit en raison d’interdictions directes, soit par l’exclusion de la Russie du système Swift.
Les prix du maïs restaient très hauts mardi (+3,18%), après que le blé tendre a atteint un nouveau record de clôture lundi, à 322,50 euros la tonne sur l’échéance de mars 2022. La Russie et l’Ukraine sont deux des principaux exportateurs mondiaux de céréales, ce qui explique ce nouveau plus haut historique du blé. Les principales Bourses perpétuaient, hier, leur chute dans le sillage de l’exacerbation des tensions entre l’Occident et la Russie. Wall Street était attendue dans le rouge et les Bourses européennes creusent leurs pertes. Hier, à mi-séance, la poursuite des combats en Ukraine et l’impact économique à venir des sanctions visant Moscou, continuent de plomber le sentiment des marchés tandis que la révision à la baisse des anticipations de hausse de taux fait rechuter les rendements obligataires.
En définitive, la crise ukrainienne fait craindre désormais de graves retombées économiques qui pourraient se traduire, à l’avenir, par une perte de croissance de l’économie mondiale, des perturbations dans l’approvisionnement en pétrole et en gaz ainsi qu’une flambée généralisée des cours des matières premières et des produits alimentaires de base. n