Des dysfonctionnements dans la politique agricole, dans le système de régulation de ses produits, notamment le lait et sa distribution, persistent et freinent les investissements eux-mêmes en manque d’orientation stratégique. Autant de contraintes dont l’effet négatif est d’enrayer la dynamique de réduction des importations et de la facture alimentaire.

Par Khaled Remouche
Le gouvernement table, entre autres secteurs importants, sur l’agriculture pour atteindre les objectifs annuels de croissance et réduire la dépendance de l’Algérie à l’égard des importations. Au cours du dernier Conseil des ministres de dimanche, un exposé sur le développement de la production agricole et la réduction de la dépendance alimentaire a été présenté en ce sens, à l’issue duquel le Chef de l’Etat a, comme à l’accoutumée, donné des instructions pour insuffler une dynamique à ce secteur et améliorer la fonction de régulation du marché et le fonctionnement de l’administration agricole. Concernant le volet régulation du marché en matière de distribution du lait, le Chef de l’Etat a appelé à «renforcer les structures de production du lait pour une meilleure maîtrise de la production et de la distribution, notamment dans les grandes villes».
Il faut rappeler au sujet du lait que l’Algérie est fortement importatrice de ce produit alimentaire. A ce propos, les producteurs de la filière lait sont actuellement dans la tourmente après la décision du ministère de l’Agriculture de geler depuis septembre dernier les dérogations sanitaires d’importation. En tout état de cause, les importations de lait en poudre bon an mal an dépassent le milliard de dollars. Les efforts menés jusqu’ici pour augmenter la production du lait ne sont pas parvenus à des résultats très significatifs, notamment en matière de réduction très substantielle de la facture d’importation. Ce gap, rappelons-le, est dû à des facteurs structurels, la prédominance dans le système de production algérien de fermes laitières de capacités de production très modestes au lieu de fermes laitières de 1 000 vaches. A cela s’ajoute le problème de disponibilité du foncier agricole pour les besoins des éleveurs en fourrage ainsi que le non-respect des facteurs techniques pour obtenir une production laitière plus intensive. Le soutien des prix, dans notre cas, celui du lait en sachet, encourage l’importation de la poudre de lait au détriment de la production de lait. L’économiste Mouloud Hedir suggère sur ce point de subventionner les producteurs et non les prix des produits alimentaires.
Par ailleurs, la régulation est le talon d’Achille du secteur agricole. Le Premier ministre a récemment affirmé, à cet égard, que le système Syrpalac a montré son échec. Les réalités du terrain le montrent bien. En effet, ce système de régulation n’a pas empêché que les prix du poulet et de la pomme de terre soient pendant plusieurs mois à un niveau plafond entre 400 et 500 dinars pour le poulet et de 100 à 120 dinars pour la pomme de terre. Le lait n’est pas en reste. Il suffit de voir les longues queues pour avoir son sachet de lait, l’irrégularité dans la fréquence d’approvisionnement, la mauvaise distribution par les offices publics, pour s’en rendre compte. Cette question appelle à l’ouverture d’enquêtes pour déterminer les véritables causes de cette distribution décriée par les consommateurs.
L’administration agricole est également en partie à la source des insuffisances dans la régulation. C’est pourquoi, le Chef de l’Etat a ordonné de «réviser la structure et l’organisation de l’administration agricole aux niveaux central, régional et local, conformément à une approche réformiste tenant compte des priorités». Concernant l’investissement agricole, l’un des facteurs clés de cette réduction de la dépendance alimentaire du pays à l’égard des importations, le Président de la République a de nouveau sommé le gouvernement «d’encourager l’investissement dans le secteur agricole au titre d’une nouvelle approche, notamment dans les wilayas du Sud, ne souffrant pas de la rareté de l’eau et comptant de vastes superficies de terres arables inexploitées». Il s’agit d’encourager les professionnels de l’agriculture ou les jeunes assistés par des professionnels pour que ces investissements soient plus efficaces. Le premier magistrat du pays a également demandé de «revoir les expériences et le rôle des fermes pilotes pour réaliser une valeur ajoutée dans le secteur». Il s’agit, à notre avis, de dresser en particulier le bilan des privatisations des fermes pilotes et d’en tirer les leçons pour augmenter la production agricole du pays. Abdelmadjid Tebboune a appelé enfin à la «création d’un dispositif de statistiques basé sur les techniques modernes et les compétences algériennes permettant d’obtenir des données scientifiques et précises pour les exploiter à titre prospectif». n