C’est aujourd’hui dimanche que s’ouvre sans doute la plus importante réunion
de plusieurs pays sous l’égide de l’ONU pour tenter de faire taire les armes en Libye et relancer un règlement pacifique de la crise libyenne.

Jour J dans la quête d’une solution à la crise libyenne avec la tenue aujourd’hui à Berlin de la conférence internationale sur la situation dans ce pays et dont l’enjeu est d’asseoir un cessez-le-feu entre les deux parties d’un conflit qui n’a que duré en relançant un processus de paix.
Plusieurs pays prendront part à cette Conférence aux côtés de l’ONU, l’Algérie, la Russie, la Turquie, les Etats Unis, la Chine, l’Italie, la France, l’Egypte les Emirats Arabes unis.
L’Algérie sera représentée à cette conférence par le Président de la République, Abdelmadjid Tebboune accompagné par le ministre des Affaires étrangères, Sabri Boukadoum.
La conférence de Berlin intervient moins d’une semaine après celle de Moscou, organisée sous l’égide de la Russie et de la Turquie et qui s’est achevée en queue de poisson dans la mesure où les deux protagonistes de la crise libyenne – Fayez el-Sarraj et le maréchal Khalifa Haftar- étaient sur les lieux, mais ne se sont pas rencontrés.
Au final, le cessez-le-feu attendu n’a été signé que par une seule partie, à savoir Fayaz El Sarraj. Qu’en sera-t-il aujourd’hui où la capitale allemande sera une attraction diplomatique ? Fayez el-Sarraj, et le maréchal Khalifa Haftar devraient tous les deux êtres présents à ce rendez-vous en Allemagne.
Fayez el-Sarraj l’a fait savoir jeudi alors que Khalifa Haftar est d’accord sur le principe, selon le ministre allemand des Affaires étrangères, qui l’a rencontré à Benghazi, en Libye avec la promesse de « respecter le cessez-le-feu ».
L’appel de Guterres et la mise en garde d’Erdogan
De son côté, le secrétaire général des Nations Unies Antonio Guterres a appelé à soutenir fermement la conférence de paix pour la Libye et a invité les belligérants à confirmer la cessation des hostilités, dans un rapport remis au Conseil de sécurité de l’ONU.
L’émissaire de l’ONU pour la Libye, Ghassan Salamé, a pour sa part indiqué avoir noté «avec satisfaction» que l’appel au cessez-le-feu en Libye a été entendu par les parties, espérant un « minimum de consensus international » à la conférence de Berlin sur la Libye.
Acteur surprise dans le dossier libyen, le président turc Recep Tayyip Erdogan a mis en garde hier, à la veille de la rencontre de Berlin, contre une résurgence du terrorisme si le gouvernement libyen siégeant à Tripoli, reconnu par l’ONU, venait à être renversé.
« L’Europe fera face à une nouvelle série de problèmes et de menaces en cas de chute du gouvernement légitime libyen», a écrit M. Erdogan sur le site Internet Politico un article paru hier.*
« Les organisations terroristes comme l’EI (le groupe terroriste autoproclamé «Etat islamique») et l’organisation terroriste Al-Qaïda, qui ont subi une défaite militaire en Syrie et en Irak, trouveront un terrain fertile pour reprendre pied », a-t-il ajouté.
Le chef de l’Etat turc a estimé que si l’Union européenne ne parvenait pas à soutenir de manière adéquate le Gouvernement d’union nationale (GNA) dirigé par Fayez al-Sarraj, ce serait « une trahison de ses propres valeurs fondamentales, y compris la démocratie et les droits de l’Homme ».
« L’UE doit montrer au monde qu’elle est un acteur pertinent dans l’arène internationale », a souligné Erdogan pour qui la « conférence de paix à Berlin est un pas très significatif vers cet objectif ». Pour lui, les dirigeants européens « devraient toutefois un peu moins parler et se concentrer sur la prise de mesures concrètes ».
Pour sa part, lors d’une conférence de presse, le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, « le plus important, maintenant, est qu’après la conférence de Berlin (…) les parties libyennes ne répètent pas leurs erreurs du passé en fixant de nouvelles conditions et en se lançant des accusations ».
L’émissaire de l’ONU en Libye, Ghassan Salamé, a indiqué, quant à lui, que « la Libye a besoin que toutes les ingérences étrangères cessent ». « C’est un des objectifs de cette conférence, parce qu’on a aujourd’hui simplement une trêve. Nous voulons la transformer en un véritable cessez-le-feu avec observation, séparation des deux camps rivaux, repositionnement des armes lourdes (en dehors des zones urbaines), etc. », a-t-il relevé.
La Russie avait affirmé que des « accords fondamentaux » seront inscrits dans le texte final de la conférence et que les projets de textes finaux étaient « quasiment approuvés» et qu’ils respectaient « pleinement les décisions du Conseil de Sécurité de l’ONU sur la Libye ». Cependant, le Kremlin a mis en garde contre les excès d’optimisme, malgré le respect depuis le 12 janvier d’un cessez-le-feu précaire.n

Les exportations du pétrole bloquées
Des forces pro-Haftar ont bloqué samedi les principaux terminaux pétroliers de l’est de la Libye, jetant un froid à la veille d’un sommet international à Berlin censé relancer le processus de paix dans ce pays déchiré par la guerre civile. L’arrêt des exportations de l’or noir, qui représentent quasiment l’unique source de revenus pour les Libyens, est un signe de protestation visant l’intervention turque dans le pays, selon les tribus et des forces loyales au maréchal Khalifa Haftar, homme fort de l’Est du pays en conflit avec le gouvernement reconnu par l’ONU à Tripoli (GNA). Les pro-Haftar estiment que les revenus pétroliers distribués par le GNA servent à payer des combattants venus de l’extérieur, notamment de Turquie. Dans un communiqué, la Compagnie nationale de pétrole (NOC) a fait état de l’arrêt des exportations dans les ports dits du « croissant pétrolier », poumon de l’économie libyenne: Brega, Ras Lanouf, al-Sedra et al-Hariga. Ce blocage provoquera la chute de la production du pays de 1,3 million barils par jour à 500.000 bj et un manque à gagner de 55 millions de dollars par jour, selon la compagnie. Pour Jalel Harchaoui, chercheur à l’Institut Clingendael de La Haye, le blocage pétrolier entre dans « une logique de chantage. Elle peut marcher. Mais il y a aussi le risque que Washington réagisse mal », prévient-il.
« L’administration Trump est très opposée aux blocages des exportations du pétrole libyen », qui conduiraient à une hausse du prix du brut, a-t-il dit. L’émissaire de l’ONU en Libye, Ghassan Salamé, n’a pas exclu non plus des motivations politiques avant la réunion de Berlin. « Son timing est – disons-le – un peu louche », a noté M. Salamé. « Notre ligne est claire à l’ONU. Il ne faut pas jouer avec le pétrole parce que c’est le gagne-pain des Libyens. Sans pétrole, les Libyens meurent de faim ».