Des départements ministériels à la peine. Des représentants du gouvernement en déphasage par rapport au programme du chef de l’Etat ! C’est le sens à donner à l’intervention médiatique du président de la République, vendredi 24 février, une date anniversaire doublement symbolique, et aux propos qu’il a tenus sur certains dossiers, dont celui du commerce et sur l’avancement de certains projets, notamment ceux en relation avec les transports, l’énergie et les mines et la numérisation. Entre critiques et nuances, un recadrage présidentiel en règle. Et des ministres sous pression.
Par Hakim Ould Mohamed
Le Président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a tapé du poing sur la table, vendredi soir, lors de sa traditionnelle rencontre avec les médias nationaux, validant la lecture selon laquelle le gouvernement n’est pas performant face aux chantiers auxquels le chef de l’Etat accorde un intérêt particulier, dont ceux relatifs aux activités commerciales internes et externes, la numérisation et autres projets structurants liés aux secteurs des Transports, de l’énergie et des mines.
Ce n’est pas la première fois que le chef de l’Etat formule des critiques sur l’action de son gouvernement, mais cette fois-ci, des secteurs ont été pointés du doigt. Par rapport au ministère du Commerce et de la Promotion des exportations, le président Tebboune a critiqué la manière de son responsable le ministre Kamel Rezig et son cabinet de raisonner sur les seules restrictions réalisées pour alléger la facture d’importation, alors l’autre objectif, si important, est d’assurer la couverture des besoins de consommation nationaux. Le chef de l’Etat a également fait allusion aux médicaments.
En ce qui concerne le ministre du Commerce et de la Promotion des exportations, les observateurs relèvent que c’est la deuxième fois en une semaine que son action fait l’objet d’un recadrage de la part du chef de l’Etat. Le premier a eu lieu en Conseil des ministres, lundi dernier. Il a concerné les mesures d’encadrement de l’activité commerciale durant le mois du Ramadan. Il a été formulé sous forme de recentrage et de mise en garde à la fois contre tout risque de pénuries que M. Tebboune juge «inacceptables compte tenu de la disponibilité de la production locale et de l’autorisation de l’importation». Vendredi, le chef de l’Etat a fait savoir que «la rationalisation des importations – comme affirmé à plusieurs reprises – ne doit pas se faire au détriment des besoins du citoyen». Les engagements de certains secteurs à limiter les importations pour préserver le matelas des devises «est une mesure excellente, mais à condition de ne pas créer la pénurie sur le marché», a-t-il dit.
Le message, tout le monde l’a compris, était destiné au ministre du Commerce, mais pas que. Pour M. Tebboune, la substitution des importations doit intervenir une fois l’augmentation de la production locale, sa disponibilité et sa capacité à couvrir les besoins est confirmée, ce qui requiert, a-t-il encore jugé, le recours à la numérisation de la gestion.
La gestion des importations fait polémique
Problème de logiciel de gouvernance ? Contre-performance personnelle de Kamel Rezig ? A ces questions, les observateurs de l’action gouvernementale ajoutent d’autres : serait-il sur le départ ? Y aura-t-il un remaniement ? qui signifierait que c’est le travail de coordination assuré par le Premier ministre, Aïmene Benabderrahmane, qui est mis en cause. De telles interrogations sont encouragées par la mésentente qu’on voit et qu’on entend depuis des jours entre le ministre du Commerce et la Chambre basse du Parlement. Entre les deux parties, le langage s’est nettement durci. Plusieurs parlementaires lui disent ne pas comprendre son action et un des leurs l’a vertement critiqué d’avoir tardé à répondre aux questions qu’il lui a adressées sur les raisons des restrictions qu’il a imposées à l’import. Cette prise de bec, une déconvenue pour M. Rezig réputé protégé, a fait réagir la présidence de l’Assemblée nationale populaire. Dans un communiqué, elle a indiqué que «lors de sa réunion, le bureau de l’APN a déploré ce qui s’est passé lors de la dernière séance des questions orales lorsque le ministre du Commerce a transgressé les normes établies et les règles de bienséance lors de sa réponse à l’un des députés». «Le ministre a transgressé le caractère sacré de l’institution d’une manière qui ne convient pas à un membre du gouvernement et a accusé l’APN d’obstruction et de négligence concernant des questions que la Constitution a pourtant tranchées», a souligné l’Assemblée. Outre les priorités une nouvelle fois fixées au département du Commerce, le chef de l’Etat s’est montré également agacé quant aux retards cumulés dans la réalisation de certains projets structurants.
Ainsi, les secteurs des Transport et celui de l’Energie et des mines ont été sèchement recadrés et le Président Tebboune a ordonné d’accélérer la cadence de réalisation des projets structurants, affirmant n’accepter aucun relâchement dans leur concrétisation. «Le relâchement de telle ou telle administration ou bureau d’études est désormais inadmissible. Il ne s’agit pas d’une opération ordinaire. Ce qui était réalisé avant en une année doit désormais se faire en deux ou trois mois, dans le respect de toutes les normes en vigueur», a-t-il averti, précisant qu’il «faut adopter le système des 3×8 et bannir toute décontraction dans l’exécution des travaux».
Donner du punch à l’action du gouvernement
Le chef de l’Etat a fait allusion aux retards accusés dans la réalisation de certains projets de chemins de fer et d’autres relevant du secteur de l’Energie et des mines. Il s’agit, entre autres, des grands projets industriels structurants, dont la réalisation de lignes ferroviaires devant relier Annaba au gisement minier de Bled El Hadba à l’est du pays et celles devant raccorder Béchar au site de Gara Djebilet en passant par Tindouf dans le Sud algérien.
Auparavant, le président Tebboune avait déjà déploré des délais de réalisation trop longs. Plusieurs départements n’ont pas été non plus épargnées, dont les organismes et les administrations qui peinent sans résultat probant sur le chantier de numérisation.
Le déficit de numérisation est «un acte délibéré» susceptible de conduire à la bureaucratie et à des pratiques de corruption, a-t-il dit.
Et de prévenir : «La numérisation deviendra une réalité, par la volonté ou par la force des choses».
«Je me suis engagé à réaliser tout un programme, il doit être exécuté d’une manière ou d’une autre», a martelé le président, rejetant, par là même, «tous les justificatifs pour expliquer les retards accusés dans la réalisation des projets» dans un contexte où la question du bilan du gouvernement est désormais posée. <