PAR NAZIM BRAHIMI
La chaîne El Magharibia s’est distinguée, dans la soirée de jeudi dernier par une grosse manipulation en tentant de s’approprier le parcours du regretté Hocine Aït Ahmed et les valeurs qu’il a défendues de toutes ses forces.
Mettant à profit le prétexte de la commémoration, six années depuis le décès du chef historique et un des opposants au régime depuis 1963, survenu le 23 décembre 2015, la chaîne, à travers son émission «Microscoop», a tenté de faire croire qu’elle rendait hommage à ce grand nom de l’histoire du pays. Mais, curieusement, l’émission intitulée «Hocine Aït Ahmed : un héritage révolutionnaire», a plus servi de tribune à des voix et des figures du Front islamique du salut (FIS) dissous, pour diffuser leur discours et leur rhétorique politique.
S’il ne fait point de doute que Hocine Aït Ahmed n’était pas un éradicateur, pour reprendre un concept en vogue à l’époque, il n’était pas non plus quelqu’un de naïf sur la question islamiste algérienne et ce qu’elle charriait comme idéologie à velléité totalitaire et totalisante, c’est-à-dire fondamentaliste, et les violences dont elle était porteuse. Le souci de Aït Ahmed à l’époque n’était pas, comme certains veulent le dire, d’ouvrir un boulevard à Abassi, Benhadj et consorts, mais de trouver d’abord un traitement politique, susceptible de préserver l’Etat-nation et la République née des luttes anticoloniales.
Dans son esprit, discuter avec les islamistes n’était pas synonyme de compromission ni de chèque en blanc à ce courant. La preuve éclatante, Aït Ahmed et le FFS, rappelons-le, militaient pour un jeu électoral à la proportionnelle, qui ne devait pas déboucher sur la victoire du parti islamiste dès le premier tour des législatives de 1991. A bien observer l’émission de plus d’une heure, les intentions de ses concepteurs ne résident pas dans la volonté de mettre en valeur l’engagement de Si l’Hocine pour le pays durant la guerre de libération et son combat pour les libertés démocratiques et les droits humains dès l’Indépendance. Il était question pour El Magharibia de mettre en exergue une période -douloureuse sans aucun doute de l’histoire contemporaine du pays -, dans laquelle le parti islamiste occupait une place centrale dans le paysage politique.
Preuve de cette escroquerie cathodique, le panel de personnes sollicitées pour témoigner sur les qualités du défunt Aït Ahmed qui a fait preuve d’une affligeante méconnaissance des phases les plus significatives du parcours du chef historique. La mauvaise intention d’El Magharibia réside, en effet, dans le choix de ces «témoins» qui, en vérité, n’avaient pas de quoi témoigner dans la mesure où ils n’étaient pas des acteurs proches d’Aït Ahmed ni ne partageaient les mêmes valeurs.
Summum de l’escroquerie, même quand la parole devait être donnée à des dirigeants du Front des forces socialistes (FFS), notamment parmi ceux qui ont eu à travailler étroitement avec Aït Ahmed, le choix s’est porté sur des dissidents qui ont tiré sur les instances du parti auquel il était reproché sa participation aux dernières élections locales anticipées, qu’El Magharibia présente comme «une trahison» et une «caution des plans du régime».
Au final, la chaîne d’obédience islamiste n’a pas rendu hommage à Aït Ahmed, elle a osé se servir de ses luttes, de son activisme et de sa position de leader écouté, notamment durant les années 90, pour faire du marketing politique pour le courant fondamentaliste et sa quête de pouvoir. <