Par Amaury HAUCHARD
«Je veux parler d’elles, de nous!»: femme, touareg et réalisatrice, à 24 ans, Fati Walet Mohamed Issa s’est installée derrière la caméra pour sensibiliser au sort des filles exclues du système éducatif au Sahara. Voile pudique sur la tête, large tunique sur les épaules, la jeune femme vient de boucler un court-métrage documentaire de 10 minutes sur la question: «Tamadjrezt» («Regret», en langue touareg tamasheq). «Chez nous, la femme, souvent, soit on la sort de l’école pour la marier, soit on refuse qu’elle aille faire des études», déplore-t-elle. Issue du milieu nomade de la région de Tombouctou (nord du Mali) où l’éducation passe souvent au second plan, elle a aussi dû cesser ses études plusieurs années à cause du conflit. Saisissant «l’opportunité» de porter son histoire à l’écran, elle a postulé à un projet d’ONG l’an passé. Et ça a payé! Fati a été l’une des 10 jeunes Maliennes sélectionnées par l’ONG américaine Accountability Lab pour réaliser en 2021 des courts-métrages sur la condition féminine au Mali. Prostitution sur des sites d’orpaillage artisanal, violences conjugales, éducation: non-dits et tabous de la très conservatrice société malienne sont abordés. Les 10 films ont été projetés mi-décembre dans une salle de conférence de Tombouctou, faute de cinéma, par la mission de l’ONU au Mali (Minusma). «On veut donner la parole aux femmes (…) elles ne sont pas assez écoutées ni impliquées» dans la société, explique Zeina Mohamed Ali, chargée du projet chez Accountability Lab. Devant le documentaire de Fati, les quelques dizaines d’adolescents sont attentifs. Issus des mêmes communautés, ils se sentent concernés par le sujet. «Cela m’a inspiré», a commenté Mariama Walet, spectatrice de 28 ans, tout en ajoutant: «ça me fait mal quand je vois le retard qu’on prend dans la protection de la femme et de la fille».
(source AFP)