Le coup d’envoi de la 17e édition des Rencontres cinématographiques de Béjaïa (RCB), organisée par l’association Project’heurts, a été donné, avant-hier, à la Cinémathèque de Béjaïa, dans une salle archi-comble.

Le public, toujours fidèle à ce rendez-vous cinématographique, a assisté, en prélude, au récital de conte musical «Diaphanum», avec le conteur et musicien aux textes poétiques Fayçal Belattar, accompagné par la voix au ton de blues de Samira Brahmia. Fortement applaudi, le conte musical a été suivi par la projection du film documentaire «A Mansourah, tu nous as séparés» de Dorothee Myriam Kellou, en présence de la réalisatrice et de son père, avec qui elle s’était déplacé sur les lieux, le village natal du père, pour reconstituer la mémoire de cette population algérienne qui a été contrainte à quitter les villages, déplacée de force et internée dans des camps de regroupement. Était également présent l’un des témoins, présent dans le film, Bachir qui a participe au débat qui a suivi la projection. Il est à noter que ceux qui n’ont pas eu la chance de se déplacer à Béjaïa, ont réussi à suivre un extrait du spectacle ainsi que les différentes interventions de la soirées et le débat grâce à un direct diffusé sur la page officiel des 17es Rencontres sur Facebook. Une initiative louable que beaucoup espèrent qu’elle soit maintenue tout au long de la manifestation. C’est ainsi que l’on peut découvrir sur ces images, la directrice artistique des RCB, Laïla Aoudj, qui souligne que ces rencontres «sont avant tout la conquête de nouveaux espaces de liberté», citant et rendant hommage l’ancien directeur et fondateur des RCB, Abdenour Hochiche, qui lui, avait expliqué, il y a plusieurs années de cela que les RCB n’étaient pas un festival de cinéma mais un espace de liberté où les réalisateurs et les cinéphiles peuvent s’exprimer et échanger librement. Un autre hommage a marqué l’ouverture de cette 17e édition, celui fait au réalisateur Moussa Haddad, récemment décédé, avec, notamment, une grande affiche de la belle caricature du Hic, offerte par le caricaturiste aux organisateurs. Avant de lancer la soirée d’ouverture Laïla Aoudj, a ajouté que «la thématique de cette année c’est la lutte, et c’est un immense honneur de vous accueillir. Mais c’est avec le cœur serré, nous avons une pensée forte pour les détenus pour port du drapeau amazigh et les détenus d’opinion».
Par ailleurs, suite à la projection du documentaire, la réalisatrice, Dorothee Myriam Kellou, a confié lors du débat, dont la vidéo est disponible sur la page officielle de l’événement, que ce qu’elle «avait besoin de comprendre, c’était l’émotion de ces déplacements forcés. Pour le coup, je n’ai pas trouvé cela dans la littérature scientifique et les livres d’histoire, et, pour moi, il y avait un besoin d’images. Je pense que passer par les cours d’histoire ne suffit pas à comprendre l’impact de ces déplacements. Je pense qu’un film traduit ces émotions-là et bouleverse aussi». Elle a également expliqué sa démarche cinématographique, en soulignant qu’«on est habitué à une manière de raconter l’histoire qui est très télévisuelle, explicative avec des dates et des experts. Ce n’est pas un documentaire historique que je voulais faire, mais un film où je m’intéresse à la mémoire intime, à travers le mouvement émotionnel».
Le père de la réalisatrice apportera également son témoignage, à propos de la présence de la poésie dans ce documentaire en confiant que «personnellement, j’ai connu Kateb Yacine à Alger, on devait faire, un film ensemble en 1975. Kateb Yacine avait envie de partir avec sa troupe de théâtre à Tindouf et de raconter, l’histoire de l’Algérie. Mais, à l’époque, le ministre de la Culture, Ahmed Taleb, ne l’avait pas encouragé, bien au contraire, on a poussé Kateb Yacine à l’exil. Avec cette poésie présente dans le film j’ai essayé de rendre hommage à Kateb Yacine, car la poésie est de la résistance qui transcende tous les clivages. La poésie, c’est un peu la nation qui appelle ses enfants».
Au final, la réalisatrice espère que son documentaire ouvrira la porte à d’autres travaux sur le sujet, estimant que «le prisme du déracinement est très présent en Algérie, dont les conséquences subsistent jusqu’à aujourd’hui, mais, paradoxalement, il est ignoré et il reste encore beaucoup à écrire et à documenter sur le sujet».