La stratégie nationale de planification familiale est en passe d’être actualisée. Elle le sera suivant l’analyse que fera le gouvernement via le ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière du phénomène démographique et l’objectif d’espacer les naissances. Le bilan exponentiel actuel préoccupe déjà l’Exécutif et suscite des inquiétudes quant à ses conséquences à tous les niveaux politiques, socioéconomiques et d’aménagement du territoire. Les recommandations qui devront couronner la journée d’étude lancée hier par le ministère de la Santé avec l’appui du FNUAP devront servir en partie à l’élaboration de cette stratégie devenue urgente.
Par Selma Allane
Le résultat du recensement en cours de la population fera à coup sûr débat ! En tout cas, à l’heure où l’on compte déjà plus de 40 millions d’Algériens, il devrait confirmer le phénomène de l’explosion démographique que connaît le pays depuis deux décennies : un dossier majeur et sensible à gérer en raison des défis socioéconomiques et politiques qu’il pose à nos gouvernements jusqu’à l’occupation du territoire déjà fragilisée dans sa partie Nord par la forte pression d’une population exponentielle, et en raison des questions culturelles et religieuses qu’il sous-tend dans une société au conservatisme avéré.
Il y a longtemps qu’on ne parle plus sur un terrain politique et public de planification des naissances sans crainte d’être mal compris ou d’être accusés par beaucoup d’ennemis de la foi. Et le fait que le ministère de la Santé organise, hier mardi, une journée d’étude sur le sujet est en soi un indicateur d’inquiétude du gouvernement quant aux conséquences du boum démographique actuelle sur les systèmes de santé, d’éducation, de logement et du travail dans notre pays. En tout cas, le thème de la journée d’étude est clair : «La planification familiale en Algérie… vers une vision unifiée». Une enseigne sous laquelle les intervenants ont insisté sur la sensibilisation des femmes en âge de procréer à l’importance d’espacer et de planifier les naissances. Pour le directeur de la population au ministère, Omar Ouali, il s’agit de parvenir à «une vision unifiée sur la planification familiale, de sorte à sensibiliser la femme en âge de procréer aux moyens de contraception, tout en identifiant les lacunes en matière de disponibilité de ces moyens». «Une véritable planification familiale permettra certainement d’améliorer d’abord la prise en charge de la santé de la mère et de l’enfant, et par ricochet celles des ménages», a-t-il expliqué. M. Ouali a insisté, dans le même contexte, sur «l’importance de sensibiliser les femmes pour améliorer leurs connaissances sur les bienfaits de l’espacement et la planification des naissances». Selon cette logique, ce n’est pas dit mais subodore, il est attendu une implication d’autres départements ministériels comme celui de la solidarité et, celle plus sensible, des affaires religieuses, notamment à travers les «morchedates» réputées pour avoir déjà un travail remarquable sur le terrain socioreligieux avec l’appui des agences onusiennes spécialisés présentes en Algérie.
Au sujet d’obtenir l’adhésion sociale à la nécessité de l’espacement des naissances, la responsable chargée du programme du Fonds des Nations unies pour la population en Algérie (FNUAP), Badiaa Hamidouche, a affirmé que «la généralisation de l’idée de la planification familiale était tributaire de la sensibilisation des couples», rappelant l’existence des programmes mis en place par le gouvernement via le ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière. L’organisation de pareilles manifestations permettra d’actualiser et de suivre la stratégie nationale de planification familiale mise en place par le ministère pour les années 2017-2020 et de relancer cette stratégie pour l’horizon 2030, ont convenu les participants. Mme Hamidouche a plaidé pour l’association de la société civile et des médias dans les opérations de sensibilisation, rappelant le programme de formation élaboré par le ministère de la Santé au profit des «morchedates» en coordination avec le ministère des Affaires religieuses et des Wakfs. Cette rencontre qui se poursuit aujourd’hui mercredi a connu la participation de nombreux spécialistes, et des membres de la Commission nationale de la population et ceux de la Commission nationale de la santé reproductive. Plusieurs ateliers sont au programme de cette manifestation qui devrait se terminer par des recommandations pour actualiser la stratégie nationale de planification familiale.
Pour rappel, en Égypte où la question de la démographie est encore plus lourde à gérer en raison de son ampleur et de la puissance du tabou socioculturel et religieux, le phénomène a poussé le chef de l’Etat, Abdelfattah Sissi, à s’adresser à ses compatriotes en leur demandant de penser à espacer et limiter les naissances.
La démographie, si elle continue sur cette poussée, va «épuiser les ressources de l’Égypte et mettre le pays en danger». <