Par Khaled Remouche
Les deux parties veulent renforcer leurs échanges économiques dans une logique de partenariat gagnant-gagnant.
Le Sommet Afrique-Turquie, qui se tient depuis hier à Istanbul, est le reflet de l’ambition turque de porter son volume d’échanges commerciaux avec le continent à 50 milliards de dollars contre 25 milliards de dollars actuellement. L’Algérie compte tirer profit de cette volonté d’expansion des échanges commerciaux de la Turquie avec l’Afrique.
Il faut savoir que «la Turquie connaît une crise financière avec comme signes une perte de valeur de sa monnaie et une inflation importante. Le déficit structurel de son commerce extérieur l’oblige à développer ses exportations. L’expansion de ses exportations est encouragée par la faiblesse de sa monnaie», souligne Noureddine Legheliel, expert financier, contacté par Reporters. La Turquie table sur le marché africain en plein développement pour concrétiser cette stratégie commerciale. «Les pays africains, dont l’Algérie, cherchent, eux, à diversifier leurs partenaires commerciaux. Ils se tournent vers la Chine et la Turquie dans une recherche de partenariat gagnant-gagnant», ajoute l’expert. L’Algérie, dans cette perspective, veut, elle, renforcer ses relations économiques déjà importantes avec la Turquie, considérée comme pays ami. La tenue à Alger en novembre dernier de la commission mixte interministérielle manifeste cette volonté des deux pays de densifier les échanges. Durant cette rencontre, la Turquie a exprimé son souhait d’augmenter ses importations de gaz naturel liquéfié. La Turquie est déjà l’un des principaux clients de l’Algérie en GNL avec des volumes contractuels
annuels à hauteur de 5,4 milliards de mètres cubes. Sonatrach et une entreprise turque ont, en outre, lancé la réalisation en Turquie d’un complexe de production de propylène et de polypropylène. Sonatrach fournit, en ce sens, 35% des besoins de la Turquie en GNL.
Les deux parties ont convenu également de développer des échanges dans les secteurs de l’industrie, de l’agriculture, de la santé. L’Algérie, notons-le, est le second partenaire commercial de la Turquie en Afrique et le cinquième partenaire commercial de l’Algérie. Le volume d’échanges commerciaux, équilibrés, s’est établi à 4 milliards de dollars, en 2018 et 2019, et 3 milliards de dollars en 2020. La Turquie est de surcroît le premier investisseur en Algérie (IDE) avec un stock de 3,5 milliards de dollars. L’investissement le plus emblématique de cette présence industrielle est le complexe sidérurgique de Betioua, qui fait de l’entreprise turque Tosyali le leader de l’industrie sidérurgique en Algérie et l’un des plus importants exportateurs hors hydrocarbures du pays. Cette entreprise, si elle parvient à concrétiser son projet de réalisation d’une aciérie pour la production d’aciers plats, va accentuer son poids dans l’économie nationale et la valeur de ses exportations. A cela s’ajoute le complexe textile Tayal, implanté à Relizane, l’un des plus importants en Afrique, dont les perspectives en matière d’exportation sont très prometteuses.
En termes de développement des échanges économiques, le chef de l’Etat, dans sa déclaration au Sommet, lue par le Premier ministre Aïmene Benabderrahmane, a fait valoir l’entrée en application de la Zone africaine de libre échange en 2022. Une excellente opportunité pour les entreprises industrielles turques implantées en Algérie de développer leurs exportations vers l’Afrique ainsi que de nouveaux investissements. Les sociétés turques peuvent également exploiter les opportunités ouvertes par la nouvelle loi sur les hydrocarbures, le programme de développement des énergies renouvelables, et les ambitions algériennes en matière d’intégration industrielle. «La Turquie a une base industrielle, un potentiel important de biens industriels exportables», observe Noureddine Leghliel. L’Algérie peut profiter de l’expertise industrielle de ce partenaire économique dans diverses branches industrielles. La Turquie est, comme la Chine, très présente dans le secteur des BTP et l’Algérie peut, également, profiter de l’expérience turque dans la réalisation d’infrastructures, comme les routes, les ponts, les voies ferrées, les ouvrages hydrauliques.
Cela dit, il ne faudrait surtout pas, si on suit cette logique de la diversification, qu’en son nom, l’Algérie dépende de la Turquie ou de la Chine. Il faudrait que ces pays aient des parts de marché avec leurs sociétés implantées en Algérie mais pas toutes nos parts de marché. Pour que l’Algérie réussisse son pari d’ériger une industrie de transformation de matière première et d’intégrer son industrie. n